Alors que la polémique fait rage aux États-Unis relativement à l'influence qu'a pu exercer Moscou sur l'élection présidentielle de novembre, les inquiétudes vont croissant en Europe en ce qui concerne les actions de propagande du gouvernement russe.

Les risques d'ingérence inquiètent des pays européens importants comme la France et l'Allemagne, qui doivent tenir prochainement des élections importantes, mais n'épargnent pas les États de moindre envergure.

Un important institut de recherche souligne, dans un rapport paru il y a quelques jours, que la Suède figure parmi les cibles moins connues du régime russe.

Les chercheurs de l'Institut suédois d'affaires internationales relèvent, exemples à l'appui, que la Russie a de plus en plus recours depuis quelques années à des actions clandestines pour faire avancer son ordre du jour dans le pays.

L'objectif ultime de la campagne, disent-ils, est de « minimiser la présence de l'OTAN » dans la région de la mer Baltique. La Suède, qui est membre de l'Union européenne, ne fait pas partie de l'OTAN.

La désinformation et les fausses nouvelles, qui représentent un phénomène « de plus en plus important dans l'environnement médiatique suédois », sont utilisées, au dire des chercheurs, pour dénigrer l'alliance atlantique et conditionner la perception qu'en a la population locale. Les États-Unis et l'Union européenne ont aussi été régulièrement ciblés.

PRÉSUMÉS COMPLOTS

Les auteurs ont recensé, de décembre 2014 à juin 2016, 26 cas où des documents contrefaits ont été mis en circulation, habituellement par l'entremise de sites « obscurs » diffusant en russe ou en suédois qui voient leur contenu traduit et repris ailleurs.

Les documents ciblant les autorités suédoises évoquaient souvent de présumés complots touchant l'Ukraine, des organisations terroristes et l'OTAN.

Dans une lettre attribuée à un procureur suédois, il assure aux autorités de Kiev que les efforts menés pour appréhender un Suédois responsable de crimes de guerre seraient menés de manière à ne pas compromettre les « intérêts nationaux » du pays, en conflit ouvert avec le Kremlin. Malgré la fausseté évidente de la lettre, elle a été mise en ligne sur un site influent et reprise ensuite par des médias prorusses.

Des personnalités opposées à Moscou ont aussi été ciblées, dont l'ex-ministre des Affaires étrangères suédois Carl Bildt. Un article sans fondement suggérant qu'il avait mené des affaires suspectes avec l'ancien président de la Géorgie, Mikheil Saakashvili, a largement circulé.

Une entreprise de désinformation a aussi été mise en oeuvre relativement à une entente entre l'OTAN et la Suède permettant à l'organisation d'opérer plus facilement sur son territoire en cas de conflit militaire, note l'Institut suédois d'affaires internationales. Des activistes ont notamment relayé l'idée que des armes nucléaires pourraient être stockées dans le pays.

LUTTE CONTRE LES « FAUSSES NOUVELLES »

L'organisation relève qu'il est difficile d'évaluer l'impact exact des mesures utilisées par la Russie, qui inquiète aussi d'autres petits pays comme la République tchèque.

Ses dirigeants ont récemment annoncé la création d'une organisation spécialisée devant lutter contre les « fausses nouvelles » de manière à contrer l'action de sites prorusses.

Pasi Eronen, spécialiste en cybersécurité rattaché à la Fondation pour la défense des démocraties, relève que l'inquiétude de la Suède par rapport à la Russie témoigne de l'influence croissante du pays en Europe.

Globalement, dit-il, l'objectif de Moscou est d'affaiblir les ententes de coopération sécuritaire et l'Union européenne, de manière à pouvoir rétablir une sphère d'influence sur le continent.

Il prévient qu'il faut prendre garde de ne pas exagérer la portée des actions russes en Europe « comme si le pays était omniprésent et actif sur tous les fronts en même temps », de manière à éviter de donner l'impression que le scénario souhaité par Moscou est inéluctable.

Le Carnegie Endowment for International Peace prévenait récemment dans la même veine que la Russie n'a pas le poids militaire et économique des États-Unis et évitera tout engagement frontal potentiellement catastrophique en Europe.

L'organisation prévenait du même coup qu'il était prévisible, dans ce contexte, que la Russie fasse un usage « constant » de techniques de désinformation, de cyberattaques et de provocations militaires de faible intensité contre les pays européens limitrophes de son territoire pour miner leur confiance dans l'OTAN.