Condamnée pour traitement « inhumain » d'Anders Behring Breivik, la Norvège a défendu mercredi les conditions de détention du tueur néonazi en soulignant qu'il restait une menace cinq ans et demi après avoir fauché 77 vies.

Au deuxième jour de l'examen de l'appel de l'État contre sa condamnation, le Procureur général, Fredrik Sejersted, a cité un récent avis psychiatrique concluant qu'« il faudrait des changements spectaculaires dans la durée pour que (Breivik) puisse être déclaré comme n'étant plus dangereux ».

« Le fait qu'il se comporte de manière exemplaire en prison ne fournit aucune garantie », estimait la psychiatre Randi Rosenquist dans un rapport remis en décembre.

L'extrémiste aujourd'hui âgé de 37 ans est l'auteur des attaques les plus sanglantes à être perpétrées sur le sol norvégien après la Seconde Guerre mondiale.

Le 22 juillet 2011, déguisé en policier, il avait traqué pendant plus d'une heure les participants d'un camp d'été de la Jeunesse travailliste piégés sur l'île d'Utøya et abattu 69 d'entre eux, pour la plupart adolescents.

Un peu plus tôt, il avait tué huit autres personnes en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo.

Condamné en août 2012 à une peine de 21 ans de prison susceptible d'être prolongée indéfiniment, il dispose de trois cellules dotées de téléviseurs, de jeux vidéo et d'appareils de musculation.

La Norvège a pourtant été condamnée en avril dernier pour traitement « inhumain » et « dégradant » en violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. En cause : l'isolement prolongé de Breivik, détenu à l'écart des autres prisonniers depuis cinq ans et demi.

L'État conteste que Breivik soit isolé, faisant valoir ses multiples contacts avec les surveillants, avec lesquels il joue au backgammon, ses avocats, des pasteurs ou encore un visiteur de prison, ainsi que sa correspondance fournie - y compris des lettres érotiques.

M. Sejersted a décrit un détenu dans « une forme physique et psychologique extraordinaire », et qui a même écrit une lettre de remerciement au personnel pénitentiaire l'an dernier.

Annonces de rencontre nazies

Le représentant de Breivik, Øystein Storvik, a au contraire évoqué la « vulnérabilité mentale » de Breivik du fait de ses conditions de détention. Il a réclamé pour lui la possibilité de fréquenter d'autres prisonniers, soulignant que ses contacts avec des acteurs professionnels au travers d'une paroi de verre étaient très insatisfaisants.

« Il n'a pas une seule personne de confiance à qui parler et avec qui il peut bâtir une relation », a souligné M. Storrvik. Depuis le début de sa détention, Breivik n'a reçu les visites que d'une seule personne étrangère à son suivi et sa surveillance : sa mère, qu'il a pu tenir dans ses bras une fois brièvement, peu de temps avant sa mort, a rappelé l'avocat.

Délocalisée pour des raisons de sécurité dans la prison de Skien (sud) où l'extrémiste est incarcéré, la Cour d'appel devra aussi se prononcer sur un autre point, soulevé par l'extrémiste celui-là.

En première instance, la juge avait donné raison à l'État, qui filtre étroitement la correspondance de Breivik. Lui estime que cela viole l'article 8 de la Convention des droits de l'homme sur le droit à une vie privée.

Mercredi, M. Sejersted a justifié les contrôles étroits de ses contacts avec le monde extérieur en pointant sa volonté de tisser un réseau d'extrême droite depuis la prison.

Le Procureur général a cité une lettre dans laquelle l'extrémiste disait envisager d'utiliser des « petites annonces de rencontre national-socialistes » comme moyen de diffusion idéologique dans la mesure où le droit à publier une annonce matrimoniale est hautement protégé par la Cour européenne des droits de l'homme.

« A priori, je considère la rédaction d'annonces de rencontre comme une activité si ringarde qu'elle devrait être criminalisée », écrit Breivik dans cette lettre adressée en août 2015 à des sympathisants et dont M. Sejersted a lu des extraits.

« Mais afin de percer le blocus de l'information à presque n'importe quel prix, j'y vois une expérimentation. Paradoxalement, il n'y a aucun autre type de texte qui soit aussi protégé à la publication qu'une annonce de rencontre », y explique-t-il.

Breivik doit prendre la parole jeudi. Le procès durera six jours avec un jugement attendu en février.