Donald Trump a estimé jeudi que les États-Unis devaient renforcer et accroître leur capacité en matière d'armement nucléaire tant que le « monde n'aura pas retrouvé la raison » dans ce domaine.

Le président désigné des États-Unis a seulement publié un tweet sur cette question sans détailler sa pensée. « Les États-Unis doivent grandement renforcer et accroître leur capacité nucléaire tant que le monde n'aura pas retrouvé la raison dans le domaine des armes nucléaires », a-t-il dit sur le réseau social Twitter, son moyen de communication privilégié.

Ce bref commentaire contraste avec les positions exprimées par le président sortant Barack Obama qui, dans un célèbre discours prononcé à Prague en 2009, avait appelé à un monde sans armes nucléaires.

Donald Trump, qui passe la fin de l'année dans un de ses clubs de luxe en Floride, y a rencontré mercredi un groupe de responsables militaires, dont le responsable du programme de missiles américain, le vice-amiral James Syring.

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Les discussions ont porté sur la possibilité de réduire les coûts de certains programmes de défense.

Les États-Unis disposent actuellement d'un arsenal de 7000 têtes nucléaires, juste derrière la Russie qui en possède quelques centaines de plus.

Le Pentagone entend moderniser les trois volets de la triade de l'arsenal nucléaire américain : missiles intercontinentaux, sous-marins et bombardiers stratégiques. Les experts estiment le coût de cette opération à 1000 milliards de dollars sur 30 ans.

Au cours de sa campagne présidentielle, Donald Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, n'avait pas été précis sur ses priorités en matière de modernisation de l'arsenal nucléaire.

Plus tôt dans la journée de jeudi, le président russe Vladimir Poutine a lui ordonné le renforcement en 2017 de la force de frappe nucléaire de son pays, afin de la rendre capable de percer tout bouclier antimissile, comme celui que Washington entend déployer en Europe orientale.



Les priorités militaires de Poutine

Renforcement de la force de frappe nucléaire, modernisation des armements et vigilance aux frontières : Vladimir Poutine a fixé jeudi les priorités de son armée en 2017 tirant les leçons de l'intervention militaire en Syrie et du climat de confrontation avec les États-Unis.

« Aujourd'hui, nous sommes plus puissants que n'importe quel agresseur potentiel. N'importe lequel », a lancé Vladimir Poutine devant des centaines de généraux et officiers des armées.

Le chef de l'État s'exprimait au terme d'une année où il s'est définitivement rendu maître du jeu dans le conflit syrien à la faveur de l'intervention de ses bombardiers et chasseurs.

Les orientations décidées par Vladimir Poutine interviennent par ailleurs quelques semaines avant le départ de Barack Obama de la Maison-Blanche avec qui, de l'aveu du Kremlin, le dialogue est « gelé ».

Les Russes attendent désormais, sereins, l'investiture le 20 janvier de Donald Trump pour repartir sur de nouvelles bases et apaiser les tensions des deux dernières années entre les deux puissances sur fond de crise en Ukraine et de guerre en Syrie.

« Il faut renforcer le potentiel militaire des forces nucléaires stratégiques, avant tout à l'aide de systèmes de missiles capables de garantir le franchissement des systèmes de défense antimissile existants ou à venir », a déclaré le président russe.

Le Kremlin s'inquiète en effet du déploiement en Roumanie et en Pologne par le Pentagone des éléments de son bouclier antimissiles, que Moscou dénonce comme étant dirigé contre sa capacité de dissuasion nucléaire. Washington assure pour sa part que ce bouclier est destiné à protéger l'Europe d'une éventuelle menace iranienne.

Le renforcement de l'arsenal nucléaire russe n'est pas une idée nouvelle. En juin 2015, Vladimir Poutine avait déjà annoncé le déploiement de plus de 40 nouveaux missiles balistiques intercontinentaux, à même de « percer les systèmes de défense antiaérienne les plus sophistiqués », en réponse au projet américain d'installation d'armes lourdes en Europe de l'Est.

Washington explique vouloir rassurer les pays baltes et d'autres pays d'Europe de l'Est très inquiets des intentions de Moscou depuis l'annexion de la Crimée en 2014, mais le renforcement de la présence de l'OTAN à ses frontières est perçu comme une menace par la Russie.

Le président russe avait ainsi accusé fin juin l'OTAN de vouloir entraîner son pays dans une course aux armements « frénétique » et de rompre « l'équilibre militaire » en vigueur en Europe depuis la chute de l'URSS.

« Plus puissants »

Dès fin 2014, la nouvelle doctrine militaire de la Russie, dont les dépenses militaires atteignent désormais 21 % de son budget total, mais restent largement inférieures aux dépenses américaines, désignait l'expansion de l'OTAN comme une menace fondamentale pour la sécurité du pays.

« Il faut faire attention à n'importe quel changement dans l'équilibre des forces et de la situation politico-militaire dans le monde et surtout aux frontières russes. Et corriger à temps nos plans pour éliminer les menaces potentielles contre notre pays », a souligné jeudi M. Poutine.

Le pays s'est lancé ces dernières années dans une coûteuse modernisation de toutes ses forces armées et a déployé des troupes supplémentaires sur le « flanc » ouest de la Russie, en face des installations militaires européennes de l'OTAN.

Sa doctrine militaire n'évoque toutefois en aucun cas la possibilité d'une « attaque préventive » avec utilisation d'ogives nucléaires, Moscou ne se réservant le droit d'utiliser son arsenal qu'en cas d'agression contre elle ou ses alliés ou en cas de « menace sur l'existence même de l'État ».

Le président russe a évalué complète « à 60 % » la modernisation des forces nucléaires russes, composées de bombardiers stratégiques, de missiles balistiques intercontinentaux et de sous-marins nucléaires.

« Aujourd'hui, nous sommes plus puissants que n'importe quel agresseur potentiel. N'importe lequel », a dit le président russe. « Mais si on s'offre rien qu'un seul moment de répit, (...) la situation peut vite changer ».

Le conflit en Syrie a par ailleurs donné l'occasion à Moscou de tester ses armes en situation réelle, qu'il s'agisse de missiles de croisière tirés depuis de sous-marins en mer, de bombardiers stratégiques à long rayon d'action envoyés depuis le territoire russe ou de son porte-avions, l'Amiral Kouznetsov.

-Avec Maxime POPOV de l'Agence France-Presse

photo Maxim Shemetov, archives REUTERS

« Aujourd'hui, nous sommes plus puissants que n'importe quel agresseur potentiel. N'importe lequel », affirme le président Vladimir Poutine.