Les ténors de l'extrême droite n'ont pas attendu la revendication de l'attentat de Berlin par le groupe État islamique ni l'identification de son auteur pour se lancer dans une attaque contre le gouvernement d'Angela Merkel en martelant des thèmes qui favorisent leur montée en force dans le pays et au-delà.

L'un des dirigeants du mouvement Alternative pour l'Allemagne (AfD) a déclaré que les personnes tuées lundi étaient « les morts de Merkel », évoquant la politique d'accueil des réfugiés du pays.

La présidente de la formation, Frauke Petry, a abondé dans le même sens en disant que « l'horreur » découlait d'une année de négligence marquée par l'arrivée de centaines de milliers de migrants.

« L'Allemagne est politiquement divisée sur la question de l'immigration. La terreur va nous unir », a-t-elle déclaré.

L'AfD est loin d'être le seul parti européen qui cherche à faire ses choux gras de la peur des attentats en faisant l'amalgame avec la question des réfugiés et de l'immigration, puisque la même rhétorique se retrouve dans les discours de formations populistes de l'ensemble du continent.

Le Front national, sous la direction de Marine Le Pen, revient régulièrement en France sur ces thèmes, tout comme le Parti pour la liberté de Geert Wilders, aux Pays-Bas. Les deux formations espèrent enregistrer des gains majeurs lors de scrutins clés prévus en 2017.

PARTOUT EN EUROPE

Dans une récente analyse, le Pew Research Center note que la peur du terrorisme est l'un des quatre principaux facteurs alimentant la levée de boucliers en Europe contre les partis traditionnels et l'émergence de formations de droite populiste ou d'extrême droite ayant longtemps été confinées à la marginalité.

Une étude menée par l'organisation indique que 76 % des citoyens sondés l'été dernier dans une dizaine de pays voyaient déjà dans le groupe État islamique une « menace majeure ». Le total excédait 90 % dans des pays comme la France et l'Espagne, qui ont été frappés par des attentats meurtriers.

À l'instar de l'AfD et de formations similaires en Europe, nombre des répondants sondés par le Pew Research Center dans ces pays établissent une corrélation entre le terrorisme et l'afflux de réfugiés en Europe. En moyenne, 60 % d'entre eux affirment que leur arrivée fait augmenter le risque d'attentats.

Richard Wike, qui dirige les études de perceptions globales de l'organisation, relève que l'inquiétude des Européens face à leur avenir économique est un autre facteur clé favorisant les partis non traditionnels.

L'intensité de cette inquiétude est ressortie clairement lors d'une étude menée en 2015 auprès d'une quarantaine de pays. 

« En Amérique latine, en Afrique et en Asie, les gens ont généralement tendance à penser que leurs enfants feront mieux qu'eux économiquement, mais ce n'est pas le cas en Europe. » - Richard Wike, du Pew Research Center

Un autre facteur favorisant la levée de boucliers contre les partis traditionnels est l'inquiétude identitaire et le malaise face à la diversité culturelle croissante de la société, relève M. Wike.

Plus de la moitié des Grecs et des Italiens et près de 40 % des Hongrois et des Polonais considèrent que le fait d'avoir un nombre croissant de personnes avec des origines variées est néfaste pour leur société, indique le Pew Research Center.

DÉFICIT DE CONFIANCE

Le manque de confiance de la population dans la capacité des partis traditionnels à faire face aux problèmes est un autre élément jouant en faveur de partis populistes.

Selon M. Wike, plusieurs des facteurs énumérés ont tendance à être davantage présents chez les gens logeant idéologiquement à droite sur l'échiquier politique, mais ils débordent largement ce cadre.

Leur poids force nombre de partis traditionnels à adapter leur discours. C'était le cas déjà en Allemagne avant l'attentat de Berlin avec Angela Merkel, qui a récemment durci son discours sur la question du port de la burqa et l'arrivée de réfugiés.

La droite traditionnelle française a aussi passablement musclé son discours sur la question de l'immigration en prévision de la prochaine élection présidentielle, prévue au printemps.