Balayés du pouvoir sur fond d'accusations de corruption après le dramatique incendie d'une boîte de nuit à Bucarest en 2015, les sociaux-démocrates sont donnés favoris lors d'élections législatives en Roumanie dimanche.

Le Premier ministre social-démocrate Victor Ponta avait été acculé à la démission début novembre 2015 sous la pression de la rue, quelques jours après cet incendie qui a provoqué la mort de 64 personnes.

Les manifestants avaient dénoncé la corruption endémique qui avait selon eux permis aux responsables de l'établissement de s'affranchir de toute norme de sécurité. M. Ponta lui-même fait l'objet de procédures judiciaires pour évasion fiscale et blanchiment d'argent.

Le pays est depuis lors administré par un gouvernement de technocrates dirigé par l'ancien commissaire européen Dacian Ciolos.

Le Parti social-démocrate (PSD), soutenu notamment par un électorat rural et âgé, est néanmoins donné favori par les sondages, avec 40% des intentions de vote pour ce scrutin proportionnel à un tour.

«Le PSD a un électorat stable, notamment dans les campagnes et les petites villes. Aucun autre parti n'a eu de message destiné à ces personnes», les plus touchées par la pauvreté et le chômage, relève pour l'AFP le sociologue Barbu Mateescu.

Derrière les sociaux-démocrates, deux formations de centre droit, le Parti national libéral (PNL) et l'Union sauvez la Roumanie (USR), sont créditées ensemble de 35% à 40% des voix.

«Pratiques corrompues»

Libéré des interférences politiques, le Parquet anticorruption de Roumanie, une institution respectée à l'origine de dizaines de mises en examen, a indiqué craindre un rétrécissement de sa marge de manoeuvre à l'issue du scrutin.

«Si la législation est modifiée (...), si les procureurs ne peuvent plus enquêter sur différentes infractions, nous n'aurons certainement plus les mêmes résultats», a confié sa responsable, Codruta Kovesi, à l'AFP.

Pour l'analyste Otilia Nutu, «la bataille se jouera entre le risque de revenir aux pratiques corrompues d'il y a quelques années et la chance d'avoir un gouvernement qui joue selon les règles».

Entrée dans l'UE en 2007, la Roumanie s'est engagée à réformer son système judiciaire et à combattre la corruption de haut niveau.

Le premier test de la volonté des partis politiques de respecter ou non les règles devrait intervenir dès la formation du nouveau gouvernement.

Une loi datant de 2001 interdit à toute personne condamnée par la justice de devenir ministre.

Cette disposition, si elle est appliquée, affecterait en cas de victoire le président du PSD, Liviu Dragnea, condamné au printemps à deux ans de prison avec sursis pour fraude électorale.

Le chef de l'État de centre droit Klaus Iohannis a mis la barre encore plus haut, en annonçant qu'il exclurait de la liste des Premiers ministrables «toute personne ayant des démêlés avec la justice», même non jugées, ce qui mettrait également hors-jeu M. Ponta.

Le PSD a indiqué qu'il ne révèlerait le nom de son possible Premier ministre qu'après l'investiture du nouveau parlement, qui ne peut légalement pas intervenir avant le 19 décembre. 466 sièges de députés sont à pourvoir.

Électorat désenchanté

En cas de victoire des partis de centre droit, M. Ciolos, le Premier ministre sortant qui se définit comme «sans étiquette», serait pressenti pour former le nouveau gouvernement.

Cet ancien commissaire européen à l'Agriculture, qui jouit du soutien de M. Iohannis, s'est engagé à maintenir la discipline budgétaire et à poursuivre sa politique de transparence notamment sur les dépenses publiques.

Devant un électorat désenchanté, dont moins de la moitié devrait selon les sondages se rendre aux urnes, la campagne a été dominée par une surenchère populiste, la plupart des candidats promettant de spectaculaires hausses des salaires et des retraites, assorties de baisses des taxes.

Sortie d'une sévère récession, la Roumanie table sur une croissance de 4,8% cette année, la plus vigoureuse de l'UE.

Mais un habitant sur quatre vit dans la pauvreté et quelque trois millions de Roumains, sur une population totale de 20 millions, ont quitté le pays pour travailler à l'étranger.

Pour la première fois dans ce pays traditionnellement europhile, qui a perçu 26 milliards d'euros nets d'aides depuis son adhésion à l'UE en 2007, des candidats ont appelé Bucarest à «s'affranchir de la tutelle» de Bruxelles afin de «promouvoir ses propres intérêts».