La Bulgarie entre en territoire inconnu lundi après la démission de son premier ministre, l'europhile Boïko Borissov, et l'élection d'un président novice, au discours conciliant vis-à-vis de la Russie.

Le conservateur Boïko Borissov, admirateur déclaré de la chancelière Angela Merkel, a remis sa démission lundi au Parlement, deux ans avant la fin de son mandat.

Le nouveau chef d'État Roumen Radev, 53 ans, élu dimanche, n'entrera en fonction que le 22 janvier, mais son programme s'annonce déjà chargé et des élections législatives semblent inévitables.

Les premiers pas de l'ancien chef de l'armée de l'air, soutenu par les socialistes (PSB, ex-communiste), sont également attendus sur la scène européenne après la volonté de dialogue avec la Russie manifestée durant sa campagne.

Sa confortable victoire, par près de 60 % des suffrages (59,35 %), a sonné comme un désaveu cinglant pour le premier ministre au pouvoir depuis fin 2014, dont la candidate, Tsetska Tsatcheva, présidente du Parlement, n'a pas convaincu.

Elle traduit également un «contexte international qui encourage la volonté de changement», selon Parvan Simeonov, directeur de l'institut Gallup, qui cite «l'écroulement des autorités traditionnelles en Europe occidentale» et l'élection de Donald Trump, aux États-Unis, qui veut rapprocher Washington de Moscou.

S'y ajoute une Union européenne en plein doute sur son avenir, confrontée à une montée en puissance des courants populistes et fragilisée par le séisme du Brexit.

Dans le système parlementaire bulgare, c'est bien le gouvernement qui définit la politique générale, sur le plan intérieur comme en matière de relations internationales, même si le président est chef des armées et représente le pays à l'étranger.

Cette répartition des compétences fait douter le politologue Antoniy Todorov d'un quelconque tournant prorusse de la Bulgarie, membre de l'UE et de l'OTAN: «Il n'y aura pas de revirement en matière de politique étrangère» car «le président n'a pas de tels pouvoirs».

«Scénario prorusse ?»

Pour Evgueni Daynov, analyste et directeur du Centre de pratiques sociales, «les déclarations du général Radev ont été surinterprétées», et le nouveau président a «un raisonnement européen et proatlantique», affirme-t-il.

Dès dimanche soir, Roumen Radev s'est engagé à «travailler en vue d'une levée des sanctions» européennes contre la Russie.

«L'appartenance de la Bulgarie à l'UE et à l'OTAN n'a pas d'alternative, ça ne signifie pas que nous devons nous déclarer ennemis de la Russie», avait-il affirmé durant la campagne.

En Moldavie, ex-république soviétique, c'est un candidat prorusse Igor Dodon qui a également remporté la présidentielle dimanche soir.

L'élection de Radev est la «réalisation d'un scénario prorusse» et une aubaine pour Moscou qui cherche des alliés au sein de l'UE et l'OTAN, estime Antoniy Galabov, politologue à la Nouvelle université bulgare.

Un électeur, Assen Dragov, 39 ans, petit entrepreneur de Sofia, disait dimanche rechercher «un nouveau visage qui défende les intérêts nationaux au lieu de toujours dire «yes» à l'Europe et aux États-Unis».

Durant son mandat, Boïko Borissov a revendiqué «son pragmatisme» vis-à-vis Moscou. Il a interdit, il y a un an, le survol de la Bulgarie à des avions russes à destination de la Syrie, cherché à diversifier l'approvisionnement en gaz, dépendant de la Russie, et bloqué, sous pression de l'UE, le projet russe de gazoduc South Stream via la mer Noire.

Mais son gouvernement a aussi soigné l'accueil de la manne touristique russe sur les côtés bulgares. M. Borissov défendait aussi «l'amitié historique avec la Russie» cultivée depuis que la Russie a mis fin en 1878 à un demi-millénaire de domination ottomane en Bulgarie.

Près d'un quart du PIB bulgare est lié aux intérêts russes, constatait dans une récente étude l'institut de recherche américain Center for Strategic and International Studies (CSIS), concluant que ce poids économique influence les positions de nombreux responsables politiques.

Sans être antieuropéen, le parti socialiste bulgare, qui a porté la candidature de Roumen Radev, est une formation russophile. Mais il n'est pas donné favori pour les législatives anticipées.

Ces élections devraient être organisées à partir de mars 2017. Le parti Gerb de Boïko Borissov est crédité des meilleures chances de victoire.