La Haute Cour de justice a porté un coup jeudi au gouvernement de Theresa May en décidant que le parlement britannique devrait voter sur le processus de sortie de l'UE, ce qui pourrait ralentir le Brexit et peser sur les négociations.

Le gouvernement, désavoué, a immédiatement annoncé faire appel de la décision devant la Cour Suprême, qui devrait se prononcer «début décembre», selon un porte-parole.

«La Cour n'accepte pas l'argument avancé par le gouvernement» qui ne jugeait pas ce vote utile. «La Cour accepte l'argument principal des requérants», ont annoncé les trois juges de la Haute Cour de Londres.

«Le gouvernement est déçu» et «déterminé à respecter le résultat du référendum. Nous ferons appel», a immédiatement réagi un porte-parole de Downing Street.

La première ministre Theresa May, qui s'est engagée à déclencher le Brexit avant fin mars 2017, a dans la foulée demandé un entretien téléphonique au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui aura lieu vendredi matin, a indiqué un porte-parole de la Commission.

Le déclenchement de la procédure du Brexit, qui doit durer deux ans, pourrait en effet être retardé par des débats au Parlement - d'autant qu'une majorité des députés avait défendu un maintien au sein du bloc des 28.

Mais les analystes ne s'attendent pas à ce que les députés aillent à l'encontre de la décision exprimée par le peuple lors du référendum du 23 juin, où le «non» à l'UE l'avait emporté avec 52 % des voix. Un porte-parole de Downing Street a d'ailleurs précisé que le gouvernement comptait toujours activer l'article 50 d'ici fin mars.

«Il ne s'agit pas d'une décision sur l'opportunité ou non de quitter l'UE, mais d'une décision sur un point de droit afin de déterminer la manière correcte de le faire», estime Trevor Tayleur, professeur à la University of Law. «Les députés et les Lords sont peu susceptibles de bloquer le résultat du référendum, même s'ils se sont prononcés pour un maintien» dans l'UE, ajoute-t-il.

Pour autant, cette décision est «un bouleversement et un embarras d'ampleur pour le gouvernement», selon Tony Travers, un expert de la London School of Economics (LSE), qui y voit un «bazar constitutionnel».

Le gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney y a lui aussi vu «un exemple de l'incertitude qui va marquer le processus» de sortie de l'UE.

Risque d'une «colère populaire»

La livre britannique, qui a chuté récemment en raison des craintes associées au Brexit, a quant à elle réagi positivement en s'appréciant nettement face au dollar et à l'euro sur le marché.

Craignant «une trahison», Nigel Farage, le leader historique et chef intérimaire du parti europhobe Ukip, qui a mené campagne pour le Brexit, a jugé qu'en cas de non-respect du résultat du référendum, les politiques feraient face à «la colère populaire».

Mais pour le chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn, qui avait défendu un maintien dans l'UE, ce jugement ne remet pas en cause le Brexit et ne fait que confirmer la nécessité «de transparence» et d'engager «la responsabilité du Parlement» sur «les conditions du Brexit».

Pour Nicola Sturgeon, première ministre écossaise et chef du parti indépendantiste SNP, «le gouvernement devrait accepter cette décision». Mme Sturgeon, qui a remis sur la table l'idée d'un référendum sur l'indépendance après le vote en faveur du Brexit alors que l'Écosse a majoritairement voté pour un maintien dans l'UE, estime qu'«un vote du Parlement exposera au grand jour l'absence totale de plans sur ce que sera le Brexit».

L'un des avocats des plaignants, David Greene, s'est réjoui d'une «victoire pour la démocratie parlementaire». Et Gina Miller, une autre plaignante, a dit à l'AFP souhaiter que cette décision permette «un véritable débat au sein du Parlement souverain».

Les plaignants faisaient valoir que quitter l'UE sans consulter le Parlement serait une violation des droits garantis par l'Acte des communautés européennes de 1972 qui a incorporé la législation européenne dans celle du Royaume-Uni.

Theresa May estimait ne pas avoir besoin du vote du Parlement, en arguant de «prérogatives historiques» du gouvernement et de la volonté populaire exprimée lors du référendum.