L'influent journaliste turc Ahmet Altan, arrêté le 10 septembre puis remis en liberté jeudi matin, a été de nouveau placé en détention dans la soirée dans l'enquête sur le putsch avorté du 15 juillet, ont annoncé les médias locaux.

À l'issue d'une audience marathon de près de douze heures, Ahmet Altan, écrivain et ancien rédacteur en chef du journal Taraf, avait été placé jeudi à l'aube en liberté conditionnelle, assortie d'une interdiction de quitter le pays. Mais un nouveau mandat d'arrêt a été lancé à l'encontre du journaliste jeudi soir, entraînant son arrestation, a indiqué l'agence Dogan.

Son frère Mehmet, un universitaire, avait été mis en examen et placé en détention jeudi matin sous l'accusation d'avoir «ouvertement appelé à un coup d'État». Il lui est également reproché d'être «membre d'une organisation terroriste», selon l'agence progouvernementale.

Les faits reprochés aux deux frères remontent au 14 juillet, la veille de la tentative de putsch.

Ils avaient alors émis l'hypothèse qu'un coup d'État soit organisé, sans plus de commentaires, sur la chaîne de télévision Can Erzincan (jugée güleniste et fermée), au cours d'une émission dont l'animatrice, Nazli Ilicak, est elle aussi incarcérée depuis fin juillet.

La justice turque leur reproche d'avoir prononcé des «messages subliminaux» et accuse l'universitaire d'avoir tenté «de renverser le gouvernement de la République turque», selon Anadolu.

Au cours de son interrogatoire dans le bureau du juge, Ahmet Altan a démenti les accusations dont il fait l'objet, assurant «avoir passé (sa) vie à combattre les coups d'État», selon Anadolu.

Ahmet Altan, une figure du journalisme en Turquie, a travaillé pendant des années aux quotidiens Hurriyet et Milliyet, avant de fonder en 2007 le journal d'opposition Taraf, dont il a été le rédacteur en chef jusqu'à sa démission en 2012.

L'annonce de l'arrestation des deux frères avait ému de nombreux écrivains, journalistes ou universitaires qui ont lancé une pétition en ligne, rassemblant près de 300 signatures, pour demander leur libération.

Le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk avait dénoncé cette arrestation et estimé de façon virulente que la Turquie fonçait «vers un régime de terreur», où «la liberté de la presse n'existe plus».

Depuis la tentative de coup d'État et l'instauration de l'état d'urgence, Ankara a lancé une vague de purges sans précédent. Plus de 100 journalistes ont été arrêtés et plus de 100 médias jugés critiques à l'égard du pouvoir ont été fermés.

Le pouvoir accuse l'ex-prédicateur Fethullah Gülen, qui vit en exil aux Etats-Unis depuis 1999, d'être le cerveau du putsch avorté. Des accusations que l'intéressé dément.