Des centaines de secouristes fouillaient encore vendredi les décombres des villages dévastés mercredi par un séisme, mais l'Italie se préparait déjà à une journée de deuil samedi pour les 267 morts, au moins, de la catastrophe.

Les drapeaux seront en berne dans tout le pays samedi à l'occasion des funérailles de la cinquantaine de victimes d'Arquata del Tronto, un des trois villages des Apennins les plus touchés, qui doivent être célébrées dans la matinée.

La cérémonie aura lieu à Ascoli Piceno, au pied des montagnes meurtries, en présence du président de la République, Sergio Mattarella et du chef du gouvernement Matteo Renzi.

Toute la nuit, la terre a continué de trembler, avec des dizaines de répliques enregistrées, dont une secousse d'une magnitude de 4,8 à 6 h 28 (0 h 28 au Québec) vendredi, qui a coupé la principale route d'accès à Amatrice, l'une des localités les plus touchées.

Selon un dernier bilan de la protection civile, le nombre de décès constatés un peu plus de 48 heures après ce séisme meurtrier s'élève désormais à 267 morts et 387 blessés ont été hospitalisés.

Au total, 238 personnes ont été sorties vivantes des décombres depuis le séisme mercredi à 3 h 38 (21 h 38 au Québec), 215 par les pompiers et 23 par les secours alpins. Mais aucun survivant récent n'a été signalé.

Dans le froid de la nuit à la lumière des projecteurs ou dans la chaleur étouffante du jour, les efforts se poursuivent pourtant sans relâche.

«Nous allons continuer à fouiller et à creuser jusqu'à avoir la certitude qu'il ne reste plus personne», a déclaré Luigi D'Angelo, responsable local de la protection civile, alors que le maire d'Amatrice a parlé d'une quinzaine de disparus.

En 2009, lors du tremblement de terre de L'Aquila, non loin de la zone du séisme de mercredi, le dernier survivant avait été sauvé 72 heures après la catastrophe.

Mais les secouristes vont désormais commencer à déblayer les décombres avec des pelleteuses, signe que l'espoir de retrouver des survivants s'amenuise, a expliqué à l'AFP Valerio Checchi, un membre des gardes forestiers à Amatrice.

Dans le village, une longue file de voitures: les familles des victimes viennent reconnaître les corps, faute de quoi la justice interdit leur évacuation. Une démarche délicate et d'autant plus compliquées que ce village touristique accueillait aussi des étrangers dont les familles sont encore loin.

Au moins huit étrangers figurent parmi les 267 morts recensés, selon la presse ou les autorités des pays concernés: trois Britanniques, deux Roumains, une Espagnole, un Canadien et une Salvadorienne.

Accès difficile

Dans les bourgs aux alentours, la tension est vive alors qu'à chaque réplique, un nouveau mur s'écroule, un pont se fissure, et l'accès des secours est toujours plus difficile.

À l'entrée du hameau de San Lorenzo et Flaviano, tout près d'Amatrice, la petite route serpentant dans la montagne est bloquée, tandis qu'une pelleteuse de l'armée déblaye frénétiquement les décombres d'une maison sur la chaussée.

«Les secours sont tous à Amatrice, ils oublient les hameaux autour», déplore Marco Barba, arrivé dans la matinée de Rome pour apporter des vêtements et des provisions à ses proches, tandis qu'un homme chargé de livrer des toilettes chimiques se désespère de parvenir à destination.

Des images aériennes de la région montraient d'ailleurs des villages et des hameaux aux ruines dégringolant sur les flanc de montagne, avec en contrebas les tentes bleues alignées pour héberger les rescapés.

Au total, 2100 personnes ont dormi jeudi soir dans des tentes, soit un peu moins des deux tiers des 3500 places disponibles.

Jeudi soir, le gouvernement a proclamé l'état d'urgence dans les régions touchées et débloqué une première enveloppe de 50 millions d'euros. Un nouveau plan de prévention antisismique a aussi été annoncé, après les interrogations sur le lourd bilan humain de ce séisme dans une zone clairement identifiée comme à risque.

À L'Aquila, le séisme de 2009 avait fait plus de 300 morts. Mais il s'agissait alors d'une ville de plusieurs dizaines de milliers d'habitants.

Les Italiens ont été particulièrement choqués par le cas de l'école d'Amatrice, en partie détruite alors qu'elle avait été adaptée aux normes antisismiques en 2012.

À travers le pays, les gestes de solidarité se multiplient: dons de sang, collecte de vêtements, de nourriture et de jouets...

Des clubs de football et des musées reverseront une partie de leurs recettes du week-end et le chef britannique Jamie Olliver a relayé au-delà de la péninsule l'initiative de chefs italiens d'ajouter à leur menu des «pâtes à l'Amatriciana», une spécialité locale, pour reverser les fonds aux sinistrés.

Jeudi soir à Illica, un hameau dévasté, une association de chefs italiens a aussi offert un dîner aux habitants et aux secouristes, dans le bourdonnement des hélicoptères et les volutes des cigarettes fumées nerveusement.

Après «l'apocalypse», craintes d'isolement

Deux jours après le séisme, les répliques n'en finissent plus autour d'Amatrice. À chaque secousse, un nouveau mur s'écroule, un pont se fissure, rendant toujours plus difficile l'accès des secours aux petits bourgs isolés dans la montagne.

À l'entrée de San Lorenzo et Flaviano, tout près d'Amatrice, la petite route serpentant dans la montagne est bloquée depuis une forte réplique, de magnitude 4,8, vendredi matin. Pompiers et militaires tendent une banderole en plastique : on ne passe plus.

Les habitants regardent d'un oeil hébété les nouvelles destructions et la pelleteuse qui déblaye frénétiquement les décombres d'une maison éboulée au milieu de cette voie.

Armés de pelles et de pioches, des militaires évacuent des monticules de débris.

«Les dernières secousses ont aggravé la situation. Sur la route régionale, le pont à trois arches qui mène à Amatrice a été fermé et cette route qui assurait la liaison avec certaines maisons est bloquée. Il faut encore faire des vérifications et élargir le passage», explique Mauro Savi, géomètre de l'administration provinciale de Rieti.

Moments d'énervement, d'agacement, de tension. «Nous sommes complètement isolés», se désespère une habitante.

«Les secours sont tous à Amatrice, ils oublient les hameaux autour», déplore Marco Barba, arrivé dans la matinée de Rome pour apporter des vêtements et des provisions à ses proches. «Certains sont complètement isolés, je suis venu pour apporter de l'aide, je ne sais pas encore où je vais dormir ce soir».

Sur ces toutes petites routes de montagne, les secours piétinent souvent, stoppés dans leur élan. «Ici, c'est bloqué, ils ne nous font pas passer», se désole Felice Ciancarella, chargé de livrer des toilettes chimiques dans un camp de tentes.

Il devra attendre plusieurs heures avant de parvenir à reprendre son périple, et ce grâce à une déviation.

Au fur et à mesure de la journée, ce croisement devient un lieu de rassemblement pour les habitants du village. Les gens se rassurent, se saluent, échangent des informations.

Sens dessus dessous

Une jeune femme arrive en larmes et se prend le visage dans les mains devant la banderole en plastique barrant l'accès aux maisons détruites.

«Des tremblements de terre, j'en avais déjà vécu, mais là ce n'était pas un tremblement de terre, c'était une apocalypse !», raconte Anacleto Perotti, 66 ans, qui dort toujours dans sa maison restée debout.

«Mais je dors dans un fauteuil, au lit ça fait trop peur. La peur vient après le séisme, la dépression intérieure te gagne», poursuit-il. «Peur» et «mort» sont sur toutes les lèvres.

«À Amatrice, on a encore de l'espoir (...), on peut espérer retrouver des survivants (...). Ici, il n'y a plus personne», explique Fabrizio Micozzi, un trentenaire venu soutenir ses parents installés à San Lorenzo et Flaviano, hameau d'une dizaine de maisons.

«La difficulté, c'est de savoir combien manquent à l'appel parce que beaucoup se sont enfuis sans penser à appeler tout le monde», poursuit-il.

Dans leur fuite, les habitants ont dû tout abandonner derrière eux. Bruno Fascetti, un retraité résidant à Rome, ne peut plus retourner dans sa maison de campagne un peu plus loin.

Construite en 2002, aux normes antisismiques, «la structure a résisté, mais à l'intérieur tout est sens dessus dessous», raconte-t-il, inquiet. Il ne peut plus y accéder et craint les pilleurs.

«Nous avions des meubles anciens, des objets précieux. Nous aimerions récupérer nos biens. Pour l'instant, on a eu la grande chance d'avoir la vie sauve. Mais c'est une vie de travail qui est là dans cette maison»,  explique-t-il.

Un blindé de l'armée finit par réussir à se frayer un passage à toute allure dans les gravats pour apporter à manger à la population, soulevant un nuage de poussière, comme dans une zone de guerre.