Un homme de 21 ans qui avait rendu visite peu avant les faits aux tueurs du prêtre égorgé dans une église en juillet en Normandie, a été mis en examen (inculpé) vendredi par un juge antiterroriste et écroué, a-t-on appris de source judiciaire.

Le suspect interpellé lundi près de Toulouse (sud-ouest) a été mis en examen pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste criminelle», a précisé cette source.

Après quatre jours de garde à vue, il a été placé en détention provisoire.

Peu avant l'attentat du 26 juillet, cet homme avait rejoint la région de Rouen (ouest) pour rendre visite aux deux tueurs du père Jacques Hamel, a dit une source proche de l'enquête. Il était entré en contact avec eux via Telegram, messagerie cryptée prisée des djihadistes.

Sans emploi, le suspect, inconnu des services de renseignement, affirme s'être radicalisé rapidement. Aux yeux des enquêteurs, c'est un jeune homme désoeuvré et instable.

C'est par le biais de Telegram qu'il serait entré en contact avec Adel Kermiche qui, avec Abdel Malik Petitjean, a tué le prêtre. Tous deux âgés de 19 ans, vivant à 700 km de distance l'un de l'autre, les tueurs avaient fait connaissance via Telegram quelques jours seulement avant leur passage à l'acte.

Le 26 juillet, ils avaient surgi dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, pris en otages cinq personnes et égorgé le père Hamel en pleine messe, avant d'être abattus par la police. L'assassinat a été revendiqué par l'organisation djihadiste Etat islamique (EI).

Les enquêteurs sont remontés jusqu'au suspect toulousain parce que les numéros des téléphones portables des deux assaillants figuraient dans les contacts de sa ligne téléphonique, a révélé la source proche de l'enquête.

En garde à vue, il a expliqué aux policiers s'être rendu le 24 juillet à Saint-Etienne-du-Rouvray pour y suivre un «stage de religion» avec plusieurs personnes, parmi lesquelles les deux tueurs, a poursuivi cette source.

Le jeune homme a raconté avoir passé la nuit sur place mais être reparti le lendemain matin parce que «le contact n'était pas bon», a relaté une source policière.

Devant les enquêteurs, il a affirmé avoir quitté Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean sans rien savoir de leur projet djihadiste.

Or, selon une source proche de l'enquête, les enquêteurs le soupçonnent d'avoir eu connaissance du contenu du compte Telegram d'Adel Kermiche qui y a dévoilé le scénario de l'attaque.

Dans cette affaire, un cousin d'Abdel Malik Petitjean, Farid K., avait déjà été mis en examen et écroué le 31 juillet.

En proie à une menace terroriste sans précédent, la France a subi en un mois et demi trois attaques djihadistes, dont celle de Nice le 14 juillet (85 morts), revendiquées par le groupe Etat islamique, plus de six mois après les attentats de Paris et de Saint-Denis en novembre (130 morts).

Le prêtre assassiné pourrait être reconnu martyr de l'Église

Le père Jacques Hamel peut devenir un saint martyr de l'Église catholique, a déclaré vendredi l'archevêque de la ville, dans une interview à l'AFP.

Égorgé dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray par deux jeunes djihadistes se réclamant de l'État islamique (EI), au pied de l'autel, le père Hamel peut légitimement être considéré comme un martyr, estime Mgr Dominique Lebrun, qui s'est dit prêt à enclencher une procédure de canonisation, dans le délai imposé de cinq ans.

Avoir fait un miracle, condition généralement imposée par l'Église pour une canonisation, ne serait pas nécessaire. «Pour les martyrs, leur fidélité (à la foi, NDLR) devant la mort tient lieu de miracle», dit l'archevêque.

«La mort du père Jacques Hamel est le témoignage ultime de sa foi en Jésus, qu'il a affirmée jusqu'au bout», dit-il. Quand il a appris l'attentat, l'archevêque était aux Journées Mondiales de la Jeunesse de Cracovie. Il s'était rendu avec de jeunes fidèles sur la tombe de Jerzy Popieluszko, «prêtre assassiné par l'idéologie communiste, aujourd'hui martyr reconnu».

Assassiné en 1984 par des agents du régime communiste, Jerzy Popieluszko, qui fut l'aumônier du syndicat Solidarnosc, a été béatifié comme martyr le 6 juin 2010 à Varsovie.

«C'est une autre idéologie qui a tué le père Jacques Hamel mais c'est la même foi chrétienne qui est visée», estime-t-il. «Il y a en fait deux questions: est-il un martyr ? Je pense que oui. Son martyre sera-t-il reconnu ? Je ne le sais pas encore».

La procédure de reconnaissance de la sainteté «ne peut commencer que cinq ans après la mort de la personne en cause», rappelle l'archevêque et «il appartient à l'évêque du lieu de la mort de la personne d'enclencher la procédure».

«Il y a une phase locale avec une enquête attentive sur la vie et la mort de la personne. Ensuite «la cause» est envoyée à Rome où elle est étudiée avant la décision du Pape», détaille Mgr Lebrun qui «conserve précieusement les témoignages» au sujet du prêtre.