Le gouvernement turc s'est engagé lundi à respecter l'état de droit dans sa chasse aux mutins du putsch raté, au moment où l'UE et les États-Unis le sommaient de ne pas céder à une dérive répressive.

Les putschistes devront «rendre des comptes pour chaque goutte de sang versée», mais «dans le cadre du droit», a affirmé à l'issue d'un conseil des ministres à Ankara le premier ministre Binali Yildirim.

Une réponse à l'UE et aux États-Unis, qui ont uni leur voix lundi à Bruxelles pour sommer le régime du président Recep Tayyip Erdogan, de ne pas tomber dans l'arbitraire.

«Nous appelons fermement le gouvernement de Turquie à maintenir le calme et la stabilité dans le pays, et nous appelons aussi le gouvernement de Turquie à respecter les institutions démocratiques de la nation et l'État de droit», a affirmé le secrétaire d'État américain John Kerry, à l'issue d'une réunion avec ses homologues de l'UE.

L'UE a elle signifié à la Turquie qu'un rétablissement de la peine de mort - abolie en 2004 dans le cadre des négociations d'adhésion - lui fermerait la porte du bloc européen.

«Aucun pays ne peut adhérer à l'UE s'il introduit la peine de mort», a déclaré la représentante de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.

M. Erdogan avait évoqué cette éventualité en s'adressant dimanche à une foule de partisans réclamant la tête des factieux.

M. Yildirim a pour sa part soufflé le chaud et le froid, soulignant qu'en la matière il ne fallait pas se précipiter, mais que «la demande du peuple ne peut pas être ignorée».

Trois jours après le putsch dont le bilan humain, révisé à la hausse, est d'au moins 308 morts parmi lesquels cent mutins, l'élimination du «virus» factieux promis par le président turc continuait de battre son plein.

Selon M. Yildirim, un total de 7.543 suspects étaient en garde à vue lundi, dont 6038 militaires, 755 magistrats et 100 policiers.

Parmi eux, figurent 103 généraux et amiraux, dont deux meneurs présumés, le général Mehmet Disli et l'ancien chef de l'armée de l'air, le général Akin Oztürk.

Chasse aux «terroristes»

Citant le ministère de l'Intérieur, l'agence Anadolu a par ailleurs annoncé le limogeage de près de 9000 fonctionnaires de ce ministère, dont près de 4500 policiers et 614 gendarmes.

La terminologie officielle s'est aussi durcie à l'encontre des rebelles, désormais qualifiés de «groupe terroriste» par le ministère des Affaires étrangères.

Washington a aussi haussé le ton au sujet du sort à réserver à Fethullah Gülen, passé depuis 2013 du statut d'allié à celui d'ennemi numéro un d'Erdogan, qui l'a accusé d'être l'instigateur du putsch.

M. Erdogan a personnellement sommé son homologue américain de lui «livrer» ce prédicateur musulman, réfugié aux États-Unis, et qui a pour sa part catégoriquement démenti toute implication.

La Turquie doit présenter «des preuves, pas des allégations» à son encontre, a rétorqué John Kerry depuis Bruxelles.

Pour la troisième journée consécutive, les vols commerciaux restaient suspendus lundi entre la Turquie et les États-Unis.

Si l'activité semblait reprendre normalement dans les rues stambouliotes, quelque 1800 membres des forces spéciales de la police ont commencé à y être déployés pour en sécuriser les points sensibles, selon Anadolu.

«Ce n'est pas fini, ne désarmez pas», titrait en une lundi le quotidien Hurriyet citant les appels répétés d'Erdogan à ses partisans de continuer à tenir la rue face à une menace qui persisterait.

Plusieurs milliers de personnes ont à nouveau répondu à cet appel, rassemblées dans la nuit de dimanche à lundi sur la place Taksim ainsi que sur la place Kizilay, à Ankara.

«Le jour, allons travailler. Le soir, après le travail, poursuivons notre veille», a lancé à Ankara le premier ministre turc.

Les marchés financiers semblaient en tout cas prendre acte du progressif retour à l'ordre: la lire turque a repris des couleurs, s'échangeant à 2,93 pour un dollar après une dégringolade historique à 3,04 lires pour un dollar dans la foulée du déclenchement du putsch.

La bourse d'Istanbul, fermée quand le coup s'est déclaré, a toutefois ouvert en baisse de 2,3%.