«We love you, EU!» Des milliers de Britanniques ont fait une véritable déclaration d'amour à l'Union européenne dans les rues de Londres samedi, neuf jours après le référendum qui a décidé de sortir le Royaume du club des 28.

Les sujets de Sa Majesté ont fait preuve de beaucoup d'imagination pour dire non au traumatisant Brexit, agitant des centaines de drapeaux européens bleus aux étoiles jaunes, des coeurs gonflables, avec moult slogans tels «Du fromage, pas Farage» - du nom du chef du parti Ukip, qui s'est battu pour le Brexit - «tu vas nous manquer l'UE», «Des baguettes, pas des regrets», «Vous jouez avec notre futur» ou, le plus répandu, «UE, je t'aime».

En chansons, cela donne : «Don't go brexit my heart» (en référence à «Don't go breaking my heart» d'Elton John) ou «Never gonna give EU up» (d'après «Never gonna give you up» de Rick Astley),

La foule, dont de nombreux participants ont enfilé un haut bleu, n'hésite pas à reprendre «Hey Jude» des Beatles en changeant par «EU» ou l'Ode à la joie de Beethoven, l'hymne de l'Europe.

Partis de Hyde Park, les manifestants sont remontés vers le parlement à Westminster Abbey, dessinant le parcours de «la marche pour l'Europe», ou MarchforEurope sur les réseaux sociaux .

Là une pancarte proclame «le Brexit c'est des conneries», un peu plus loin, un manifestant tient un carton «La campagne du «Leave» a menti».

«Les gens ont été influencés, mal informés et vous savez le pire ? C'est que tout ça a été organisé pour le parlement, par une partie des conservateurs, pas pour le bien du peuple britannique !» s'emporte Julie Heathcote, 47 ans, qui travaille au NHS, le service de santé public.

Son amie Sarah, 48 ans, qui a noué autour de son cou un long drapeau européen estime qu'«une grande partie de l'Angleterre est en colère», et elle veut montrer «au reste de l'Europe que nous sommes plus forts ensemble».

Tout est possible

«Dites aux Français que nous ne sommes pas ces personnes horribles et méchantes», demande Allan Waller, un analyste de 39 ans, avec sur sa poitrine un énorme coeur annonçant «Londres aime l'UE».

À ses côtés, lunettes jaunes et t-shirt bleu, David, 45 ans, réclame «un deuxième référendum, des élections législatives, et un parlement actif afin de rester en Europe». Il dénonce les arguments «fallacieux» utilisés pendant la campagne du Leave : «L'immigration ? Mais c'est le présent, merde! Habituez-vous».

Un énorme coeur écarlate voletant au-dessus d'elle, Casey, 37 ans, veut crier son «amour» pour l'Europe. Une couronne de fleurs posée sur ses cheveux courts, celle qui aimerait tant que les Britanniques «revoient» leur jugement rappelle que ce référendum n'était que «consultatif : c'est au parlement de prendre une décision maintenant».

«Wonder Europe», c'est elle : Christine Ritchie, une femme au foyer franco-britannique de 36 ans porte une combinaison, des bottes noires, des gants roses, et une perruque bleue ornée d'une couronne d'étoiles jaunes. Sur son coeur, un autocollant «J'ai voté remain».

À chaque passage d'un bus au toit ouvert, de ceux, typiques, qui transportent les touristes dans la capitale, le cortège applaudit et lance des «EU, we love you!»

Nicholas Light, 82 ans, appelle de ses voeux un second référendum: «Tout le monde sait que cette fois-ci, nous voterions pour rester». Selon lui, «des milliers de personnes n'ont pas voté «remain ou leave», ils ont voté contre un gouvernement».

Certains se prennent déjà rêver d'un «Breverse», contraction de Brexit et «reverse» (à l'envers).

Selon un sondage Ipsos Mori pour la BBC, 16% des Britanniques ayant voté au référendum pensent que la Grande-Bretagne restera dans l'UE, 22% ne sachant pas si le pays sortira du giron européen. 48% des votants par ailleurs estiment que des élections législatives doivent avoir lieu avant l'ouverture des négociations de sortie de l'UE.

Les deux principaux prétendants à la succession du premier ministre conservateur  David Cameron, les ministres Theresa May (Intérieur) et Michael Gove (Justice), ont annoncé qu'ils ne déclencheraient pas la procédure du Brexit avant fin 2016, voire en 2017, suscitant l'agacement du président français François Hollande vendredi.

La décision du Brexit «a été prise» et «elle ne peut pas être reportée ou elle ne peut pas être annulée», a-t-il déclaré, les dirigeants européens appelant également à l'activation la plus rapide possible de l'article 50 pour mettre fin à l'incertitude.

Pour le chef de la diplomatie vaticane, Mgr Paul Richard Gallagher, interrogé samedi par l'AFP, le choc du Brexit doit provoquer une «refondation» de l'Europe et «renforcer» ses objectifs.

Double trahison

Theresa May, 59 ans, conforte son statut de favorite pour succéder à David Cameron : une centaine de députés conservateurs, sur 330, lui ont d'ores et déjà apporté leur soutien, contre une vingtaine pour Michael Gove, selon les médias britanniques.

Le ministre de la Justice Michael Gove risque, lui, de pâtir de sa double trahison - d'abord de son ami David Cameron, puis de Boris Johnson - qui lui vaut nombre d'inimitiés au sein des députés conservateurs, dont 60% ont voté pour un maintien dans l'UE.

«Après l'énorme choc du vote pro-Brexit, le pays a besoin de stabilité et de quelqu'un de compétent et d'habile dans les négociations. Elle (Theresa May) est peut-être ennuyeuse (...) mais quelqu'un d'ennuyeux et de compétent est sans doute ce dont nous avons besoin aujourd'hui», écrit John Rentoul, commentateur du journal en ligne The Independent.

Le nom du successeur de David Cameron doit être annoncé le 9 septembre.

De son côté, la reine Élisabeth II a ouvert samedi matin la 5e session du parlement écossais sans faire la moindre allusion au Brexit dans son discours.

La première ministre écossaise Nicola Sturgeon s'est elle contentée de clore son inervention en lançant que l'Écosse allait continuer «à jouer son rôle dans une Europe plus forte».

L'Écosse a voté à 62% pour un maintien dans l'UE et Mme Sturgeon a mis sur la table la possibilité d'un nouveau référendum sur l'indépendance de la nation.