Le Royaume-Uni était samedi plus divisé que jamais après le choc du Brexit, avec une Écosse prête à défendre séparément ses intérêts et des perdants en colère, et faisait face à des Européens pressés d'acter le divorce.

Une pétition en ligne adressée au Parlement britannique pour réclamer l'organisation d'un nouveau vote atteignait 1,24 million de signatures en milieu de journée, au lendemain de l'annonce de la victoire du Brexit avec 51,9% des voix.

En Écosse, la première ministre Nicola Sturgeon a annoncé que son gouvernement cherchait à ouvrir des «discussions immédiates» avec Bruxelles pour «protéger sa place dans l'UE».

L'Écosse a massivement voté (62%) pour rester dans l'UE et Mme Sturgeon a confirmé à l'issue d'une réunion extraordinaire que son gouvernement préparait les bases légales d'un deuxième référendum sur l'indépendance de la région.

À Londres, où l'ex-maire conservateur Boris Johnson, chef de file des pro-Brexit, a été hué à la sortie de sa maison vendredi, certains réclament, avec colère mais sans y croire, l'indépendance pour la capitale qui s'est largement exprimée en faveur de l'UE.

Lindsey Brett, une secrétaire londonienne de 57 ans, a été cueillie à froid par le Brexit: «Je suis très inquiète et j'en suis malade pour l'avenir de mes enfants», dit-elle à l'AFP. «Que vont devenir nos relations avec le reste de l'Europe? et le monde?»

Sur les réseaux sociaux, les jeunes, qui selon les sondeurs ont aussi massivement voté pour le maintien, expriment leur colère contre leurs aînés. NotInMyName (Pas en mon nom) est devenu un hashtag récurrent sur Twitter. «Ce vote ne représente pas la jeune génération qui devra vivre avec les conséquences», écrivait ainsi Luke Tansley.

«Mettre un terme à l'immigration» 

Les pro-Brexit, eux, continuaient à baigner dans l'euphorie après avoir fêté toute la nuit leur «Independance Day». Le leader du parti europhobe Ukip, Nigel Farage, a proposé que le 23 juin devienne journée de fête nationale.

À Clacton-on-Sea, petite station balnéaire du sud-est qui a massivement voté pour le Brexit, Terry Lovadaw, superviseur de 57 ans dans une des boutiques de l'artère principale, voyait la vie en rose. «Il y aura plus d'emplois, ça va mettre un terme à l'immigration», assurait-il.

Les incertitudes qui pèsent sur l'avenir du pays ont toutefois fait plonger la livre britannique et poussé l'agence Moody's à abaisser de stable à négative la perspective de la note du Royaume-Uni, avec la menace d'une dégradation prochaine de cette note.

Ailleurs en Europe, le ton monte et vire à l'aigre à l'égard des Britanniques. Réunis à Berlin, les ministres des Affaires étrangères des six pays fondateurs de l'UE ont pressé Londres d'accélérer le divorce.

Le Français Jean-Marc Ayrault a insisté pour qu'un nouveau premier ministre soit désigné au plus vite à Londres, dans «quelques jours», et son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier a souhaité que le processus de rupture s'enclenche «aussi vite que possible».

David Cameron a annoncé que sa démission prendrait effet en octobre, après la nomination de son successeur auquel il veut laisser le soin de conduire les négociations avec l'UE. Elles pourraient durer jusqu'à deux ans et, entre-temps, le Royaume-Uni restera lié par les accords existants.

M. Cameron doit retrouver mardi ses pairs lors d'un sommet européen à Bruxelles qui s'annonce très délicat pour lui, alors que le commissaire européen britannique Jonathan Hill a annoncé sa démission samedi.

La question de sa succession ajoute à l'incertitude ambiante. Boris Johnson semblerait un choix logique. Mais autant «BoJo» était populaire lorsqu'il était maire de Londres, autant il cristallise aujourd'hui le mécontentement d'une partie du Royaume-Uni.

Une UE en deuil de ses idéaux

Le leader travailliste Jeremy Corbyn, qui a été critiqué pour la mollesse de ses interventions en faveur du maintien dans l'UE, a lui aussi estimé qu'il devait y avoir «une négociation rapidement». «Nous ne pouvons vivre dans l'incertitude pendant deux ans», a ajouté le chef de l'opposition, contesté dans son camp mais visiblement pas prêt, lui, à démissionner.

Alors que les mouvements populistes prospèrent à travers l'Europe, le Brexit pourrait provoquer une réaction en chaîne. Déjà, la chef de l'extrême droite française Marine Le Pen (FN) et le député d'extrême droite néerlandais Geert Wilders ont appelé à des référendums dans leur pays.

Les quotidiens britanniques reflétaient la division d'un royaume écartelé.

«Chapeau, la Grande-Bretagne!», titrait le Daily Mail, un tabloïd qui a mené une campagne virulente contre l'Europe. «Voici le jour où le peuple silencieux de Grande-Bretagne s'est élevé contre l'élite méprisante de Bruxelles et une classe politique arrogante et déconnectée».

Du côté des pro-Europe, le Daily Mirror demandait en première page: «que diable va-t-il se passer maintenant? »

Le reste de la presse européenne décrétait en majorité samedi une Union européenne en deuil de ses idéaux et contrainte au sursaut pour assurer sa survie. «Trahis par les patries des Beatles» et «le retour de l'égoïsme national», constatait avec amertume le journal italien La Stampa.