Les restrictions draconiennes imposées par l'Irlande à l'accès à l'avortement assujettissent les femmes à un traitement cruel, inhumain et humiliant et devraient être abolies immédiatement dans le cas d'anomalies foetales mortelles, ont estimé jeudi des experts onusiens des droits de la personne.

Le rapport de 29 pages de la Commission des droits de la personne, qui est installée à Genève, accueille la plainte logée par Amanda Mellet, une résidante de Dublin à qui on a refusé un avortement en 2011 même si son foetus souffrait d'une malformation cardiaque qui l'empêcherait de survivre hors de l'utérus.

L'Irlande autorise les avortements uniquement si la poursuite de la grossesse menace la vie de la mère. Dans toutes les autres circonstances, la femme est contrainte de mener sa grossesse à terme, même si le bébé est condamné à mort. La seule autre option est d'obtenir un avortement à l'étranger, habituellement au Royaume-Uni où des milliers d'Irlandaises se rendent avorter chaque année.

La commission onusienne, qui est composée de 17 experts menés par l'Argentin Fabian Salvioli, a déterminé que la loi irlandaise sur l'avortement contrevient au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l'ONU et réclame une réforme en profondeur.

La commission n'a toutefois aucun pouvoir d'imposer quoi que ce soit à l'Irlande, un pays fort majoritairement catholique qui maintient les lois sur l'avortement les plus strictes des 28 pays membres de l'Union européenne. Le gouvernement irlandais et la puissante Église catholique ont refusé de commenter le rapport.

L'Irlande ne permet l'avortement pour sauver la vie de la mère que depuis trois ans. En 2012, une femme était morte d'un empoisonnement du sang quand les médecins avaient refusé d'avorter son foetus mourant.

Depuis 2013, des sondages démontrent que la population irlandaise est en faveur de l'avortement lorsque le foetus n'a pas de chance de survie, ou dans les cas de viol ou d'inceste. Des groupes pro-vie craignent toutefois que cela n'ouvre la porte à une légalisation de l'avortement.

Le rapport de l'ONU dénonce que la loi irlandaise place les droits de foetus invivables au-dessus des droits des femmes et estime que ce déséquilibre arbitraire « ne peut être justifié », puisque la vie de l'enfant à naître ne pourrait être sauvée.

Il ajoute que les restrictions irlandaises sur l'octroi de conseils et de soins aux femmes qui subissent un avortement à l'étranger ont causé « une douleur intense » à Mme Mellet et que son expérience « correspond à un traitement cruel, inhumain et humiliant ».

Les experts en viennent enfin à la conclusion que la loi criminelle qui encadre l'avortement est « discriminatoire puisqu'elle place le poids de la responsabilité criminelle tout d'abord sur les femmes enceintes ».