La France va se doter d'ici à 2017 de plusieurs centres de réinsertion pour «personnes radicalisées» ou susceptibles de basculer dans le djihadisme, une décision qui témoigne de l'ampleur d'une évolution sociétale crûment mise en lumière par les attentats meurtriers de 2015.

«La lutte contre le djihadisme est sans doute le grand défi de notre génération», a souligné lundi le premier ministre français Manuel Valls en présentant un nouveau plan de lutte contre le terrorisme.

Début avril, il avait estimé que les groupes salafistes étaient «en train de gagner la bataille idéologique et culturelle» en France, et dénoncé «un terrorisme qui naît dans notre propre société».

La quasi-totalité des attentats de ces dernières années en France ont été effectués au nom de l'islam et, fait notable, par de jeunes Français. En 2015, les attentats djihadistes y ont fait 147 morts et des centaines de blessés.

Selon le gouvernement français, près de 9300 personnes sont recensées pour «radicalisation violente», dont 30 % de femmes et 20 % de mineurs. En prison, le gouvernement estime que 1500 des 66 000 détenus en France sont «radicalisés».

Selon le plan de lutte contre le terrorisme dévoilé lundi, les 13 régions françaises vont disposer d'une petite structure de déradicalisation animée par une trentaine de personnes.

La première ouvrira cet été dans le centre du pays avec des jeunes volontaires. Une deuxième, prévue d'ici la fin de l'année, «traitera des cas plus lourds», dont des repentis de retour de Syrie.

«Au moins la moitié» des futurs établissements accueilleront, «à la demande de l'autorité judiciaire», des personnes «qui ne peuvent pas être placées en détention», mais sous contrôle judiciaire, a précisé Manuel Valls. Outre-mer, un centre est envisagé sur l'île de Mayotte, dans l'océan Indien, selon le gouvernement.

Actuellement, 1600 jeunes «font l'objet d'un accompagnement», selon l'exécutif. L'objectif est d'atteindre 3600 personnes dans deux ans.

Pour financer son plan, l'exécutif a prévu une enveloppe de 40 millions d'euros (environ 59 millions de dollars CAN) supplémentaires d'ici 2017.

Des programmes de déradicalisation ont été mis en place dans plusieurs pays, notamment en Grande-Bretagne et en Europe du Nord, avec des succès relatifs. En France, plusieurs cellules expérimentales de déradicalisation existent déjà, mais leur réussite dépend souvent des profils particuliers et de la bonne volonté des individus concernés.

Renforcer le criblage

Le gouvernement, qui a déjà lancé des partenariats avec les géants du net, veut «construire de puissants contre-discours» pour «contrecarrer la propagande djihadiste et salafiste et casser cette entreprise d'embrigadement à grande échelle».

L'une des mesures vise la mise en place d'un «conseil scientifique permanent» sur la radicalisation et le terrorisme, qui pourrait coordonner un réseau de recherche et renforcer les liens entre chercheurs et fonctionnaires de l'antiterrorisme.

«Nous avons besoin des voix de l'islam de France. Elles doivent se faire entendre encore plus fort qu'elles ne le font aujourd'hui», a aussi martelé le premier ministre. Dimanche, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a annoncé la mise en place d'un «conseil théologique» pour lutter contre la propagande djihadiste.

Autre point important: le contrôle des personnes occupant des postes sensibles, notamment dans les transports. Les enquêtes administratives visant à passer au crible les professions réglementées sont actuellement menées tous les trois ans, mais l'objectif est d'en réaliser plus fréquemment.

Ce criblage sera «étendu au dispositif de préparation des grands événements», alors que l'Euro-2016 de football (soccer) commence le 10 juin en France.

Côté détection, le volet français du fichier dit PNR («Passenger Name Record»), registre des données des passagers aériens, «entrera progressivement en vigueur» et sera opérationnel d'ici deux ans, alors que la France pousse pour sa concrétisation au niveau européen.

Enfin, le plan reprend plusieurs mesures d'un projet de réforme pénale en cours d'examen au Parlement, comme le contrôle administratif pour des personnes de retour du djihad, la refonte du renseignement pénitentiaire et l'introduction à la perpétuité réelle pour des faits de terrorisme.