Des millions de Londoniens votaient jeudi pour les élections municipales qui pourraient couronner le candidat travailliste Sadiq Khan, un musulman fils d'un chauffeur d'autobus pakistanais, parfaite incarnation du cosmopolitisme de la capitale britannique.

Les sondages donnent à M. Khan une avance de plus de dix points sur son principal adversaire, le conservateur et fils de milliardaire Zac Goldsmith.

Si cet avantage se concrétise dans les urnes, Sadiq Khan, 45 ans, député de Tooting, un quartier populaire du sud de Londres où il a grandi dans une cité HLM, succédera au charismatique Boris Johnson (parti conservateur) et deviendra le premier maire musulman d'une grande capitale occidentale.

Une religion que le camp adverse a tenté sans relâche d'instrumentaliser pour compenser son retard au cours d'une âpre campagne.

Zac Goldsmith, 41 ans, député du quartier résidentiel de Richmond, a notamment accusé l'ancien avocat des droits de l'homme d'avoir fréquenté des extrémistes islamistes. Des attaques relayées par le premier ministre David Cameron.

Dans une ville dont 30 % de la population est non blanche et tient à sa réputation de tolérance, cette stratégie pourrait cependant avoir l'effet inverse de celui recherché, estiment les analystes.

De fait, jeudi, la question de sa confession laissait indifférents nombre d'électeurs interrogés par l'AFP, y compris au sein de la communauté musulmane.

«Cela ne fera aucune différence», a déclaré Koyruz Zoman, un cuisinier de 57 ans, musulman. «Quel que soit le nom de l'élu, ce que nous voulons, c'est qu'il remplisse ses promesses».

Leeanne Collaco, 28 ans, préférait elle retenir le parcours atypique de ce fils de chauffeur de bus immigré, susceptible de présider à la destinée d'une des plus puissantes villes du monde.

«Sadiq Khan s'est battu, sa famille s'est battue (...) Il se battra probablement plus durement pour faire de Londres une ville plus équitable», a dit cette employée dans le secteur des ressources humaines.

MM. Khan et Goldsmith ont voté tôt dans la matinée, de même que le premier ministre conservateur David Cameron. Les bureaux de vote, ouverts à 6 h GMT (2 h à Montréal), fermeront à 21 h GMT (17 h, heure de Montréal) et les résultats ne seront pas connus avant vendredi après-midi.

Les deux candidats ont promis de répondre aux problèmes les plus criants de la capitale, dont la population a augmenté de 900 000 habitants en huit ans pour atteindre 8,6 millions : logements inabordables, transports saturés et pollution.

L'une de leurs principales différences concerne le référendum du 23 juin sur la place du Royaume-Uni dans l'Union européenne, Zac Goldsmith plaidant pour une sortie du bloc des 28, quand son adversaire soutient le statu quo.

Labour dans la tourmente

Outre les Londoniens, les Écossais, les Gallois et les Irlandais du Nord votaient jeudi pour élire leurs nouveaux parlements régionaux, tandis que 124 conseils municipaux seront renouvelés en Angleterre.

Des scrutins qui s'annoncent mal pour les travaillistes, en pleine tempête depuis une semaine en raison des propos jugés antisémites de certains des membres du parti. Plusieurs responsables ont été suspendus du parti, dont une députée et l'ancien maire de Londres Ken Livingstone, un proche du chef du Labour Jeremy Corbyn, qui joue peut-être son avenir.

L'élection de ce gauchiste en septembre n'a toujours pas été digérée par une fraction de l'appareil du parti, qui l'estime incapable de mener les travaillistes à la victoire aux élections législatives de 2020. Si Corbyn trébuche, ce sera l'occasion de réclamer sa tête.

Or en Écosse, l'un de ses anciens fiefs, où il a été largement battu aux législatives de 2015, le Labour pourrait se retrouver dans la situation humiliante de se faire doubler par les conservateurs.

Le Parti national écossais (SNP, indépendantiste), qui gouverne cette région seul depuis 2011, espère, lui, conforter son emprise pour pouvoir réclamer un nouveau référendum sur l'indépendance, surtout si le Royaume-Uni vote pour un Brexit le 23 juin - ce que les Écossais ne veulent pas.

«Je me sens bien, nous avons mené une belle campagne», a déclaré en votant à Glasgow la chef du SNP, Nicola Sturgeon, qui serait reconduite à la tête du gouvernement local en cas de victoire.

Au Pays de Galles, le Labour au pouvoir devrait perdre des sièges tandis que le parti europhobe UKIP pourrait glaner ses premiers galons dans une assemblée régionale.

En Irlande du Nord, où le pouvoir est partagé entre unionistes protestants et nationalistes catholiques, le Parti unioniste démocrate (DUP) devance le Sinn Fein dans les sondages.