Fait inédit dans l'histoire politique britannique, David Cameron a publié dimanche sa déclaration d'impôts des six dernières années pour tenter de reprendre la main dans l'affaire des Panama Papers qu'il avoue avoir mal gérée.

Au sortir d'une semaine particulièrement éprouvante, marquée par des appels à la démission jusque devant sa résidence à Downing Street, le premier ministre a décidé d'innover en devenant le premier chef du gouvernement et même d'un parti politique britannique à montrer patte blanche sur ses impôts.

La publication est destinée à prouver qu'il n'a jamais cherché à échapper au fisc, après avoir avoué tardivement jeudi soir qu'il avait bien détenu lui-même des parts dans la société offshore basée aux Bahamas de feu son père Ian jusqu'en 2010.

Mais la presse britannique ne semble pas être prête à le lâcher et s'interroge désormais sur un don de 200 000 livres (355 700 $) reçu de sa mère.

«La semaine a commencé par une crise morale au coeur du Parti conservateur et se termine sur un scandale au sommet de l'État», a commenté un porte-parole du Parti travailliste (opposition).

En épluchant ses déclarations, on apprend que le premier ministre a payé environ 400 000 livres d'impôts sur un revenu de plus d'un million de livres depuis 2009.

M. Cameron, qui dit avoir vendu toutes ses actions au moment de prendre la tête du gouvernement en 2010, tire ses revenus de son salaire de premier ministre -- 140 000 livres en 2014/15 -- et de la location de sa maison de famille à Londres, qui lui a rapporté 46 899 livres sur ce même exercice.

La garde-robe de Samantha

Quant aux parts qu'il détenait dans le fonds d'investissement de son père, il les a cédées en 2010 pour un gain de 19 000 livres qu'il a déclaré au fisc.

En jouant la carte de la transparence, M. Cameron cherche ainsi à calmer le jeu. Mais à dévoiler au grand jour sa richesse personnelle et les frais de garde-robe de son épouse Samantha, l'ancien élève d'Oxford et du prestigieux collège d'Eton s'est exposé immédiatement à de nouveaux ennuis.

«Le premier ministre révèle sa fortune cachée», titre le Sunday Times, pointant le risque politique de ce grand étalage.

La donation reçue en 2011 de sa mère, en sus des 300 000 livres reçus en héritage à la mort de son père en 2010, est également ouvertement questionnée.

Le premier ministre n'a pas payé d'impôts sur cette donation de 200 000 livres, profitant d'une particularité du fisc britannique qui incite le contribuable à transmettre son patrimoine de son vivant. Les donations sont ainsi exonérées, à moins que le donateur ne décède dans les sept ans.

Ce dispositif est utilisé par des milliers de familles. «Cameron évite les droits de succession», ont préféré retenir le Daily Mail et le Sunday Telegraph.

«Ça n'a pas été une grande semaine», a reconnu dès M. Cameron samedi lors d'un congrès du parti conservateur, ajoutant qu'il aurait «dû mieux gérer cette histoire».

Il a fallu quatre communiqués alambiqués de ses services avant qu'il ne décide finalement de reconnaître, jeudi soir, qu'il avait possédé des actions dans cette société offshore.

«J'ai appris la leçon»

«Je sais que j'aurais dû mieux gérer cette affaire, ne blâmez pas mes conseillers, la faute m'en revient, j'ai appris la leçon», a-t-il souligné.

Au même moment, plusieurs centaines de personnes réclamaient sa tête devant Downing Street, vêtues de chapeaux Panama pour certains et de chemises hawaïennes pour les plus téméraires.

Dimanche, ce sont deux hommes politiques allemands qui ont appelé David Cameron à en faire davantage pour lutter contre l'évasion fiscale dans les territoires d'outre-mer de la Couronne britannique.

Dans la nuit, M. Cameron a annoncé la création d'un «groupe de travail» réunissant les meilleurs experts de la lutte contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale pour enquêter sur les révélations des Panama Papers.

Selon les observateurs, David Cameron, dont la cote de popularité est au plus bas depuis trois ans, vit son pire mois depuis qu'il est devenu premier ministre en 2010.

Avant même l'affaire des Panama Papers, il a dû composer avec la crise de la sidérurgie et l'accusation d'avoir sacrifié des emplois locaux sur l'autel de ses bonnes relations avec la Chine.

Il a aussi dû se débattre avec les éternelles divisions du Parti conservateur sur l'Europe qui ont culminé mi-mars avec la démission surprise d'Iain Duncan Smith, l'eurosceptique ministre du Travail.

Samedi, le premier ministre, qui peine à convaincre les Britanniques de voter en faveur de leur maintien dans l'Union européenne, n'a fait qu'une brève allusion au référendum du 23 juin. «Quel soulagement», a-t-il lancé au congrès dans un rire jaune.