La controverse déclenchée en Suisse par le refus de deux adolescents musulmans de serrer la main de leur enseignante pour des raisons religieuses va être tranchée par une expertise juridique, a annoncé mardi une porte-parole du canton de Bâle-campagne (nord).

«Nous avons demandé une expertise à notre service juridique», a déclaré à l'AFP Deborah Murith, porte-parole de la direction cantonale de l'enseignement.

L'affaire, qui fait grand bruit en Suisse, a débuté après la révélation par les médias alémaniques de la dispense accordée par l'école secondaire de Therwil à deux élèves syriens de 14 et 15 ans, qui refusent de se plier à la coutume consistant à serrer la main des enseignants au début et à la fin des cours.

«Ils ont demandé à ne pas serrer la main des enseignantes, car ils ont dit que leur religion le leur interdisait», a indiqué Mme Murith.

«Pour ne pas faire de discrimination avec les hommes, l'école a décidé de leur donner une dispense valable pour tous les professeurs, hommes et femmes», a-t-elle ajouté.

La ministre suisse de l'Intérieur, Simonetta Sommaruga, s'est indignée de cette décision.

«La poignée de main fait partie de notre culture» et le refus des deux élèves «ne peut pas être accepté au nom de la liberté de croyance», a-t-elle dit.

«Nous sommes bien sûr du même avis que Mme Sommaruga», a déclaré à l'AFP Mme Murith.

«Le problème n'est pas simple, il s'agit de trouver un équilibre entre la liberté religieuse, le droit à l'éducation et l'égalité inscrite dans la loi entre hommes et femmes», a-t-elle ajouté.

La dispense accordée aux deux élèves musulmans ne peut être qu'une «mesure provisoire», en attendant l'expertise juridique en cours, a-t-elle réaffirmé, sans indiquer la date à laquelle l'avis sera rendu.

«Une exclusion de l'école est une mesure très grave», a-t-elle souligné.

La présidente des écoles de Therwil, Christine Akeret, a déclaré pour sa part dans les médias qu'elle n'était pas satisfaite de cette décision, mais se dit démunie.

«C'est difficile lorsque quelqu'un ne veut pas adopter notre mode de vie», a-t-elle reconnu, en déplorant n'avoir reçu aucun soutien du canton lorsqu'elle lui a soumis le problème.

«Il y a une lacune dans la réglementation actuelle concernant cet aspect, c'est bien pour cela que nous avons demandé une expertise juridique», a reconnu la porte-parole.

Pour Christoph Eymann, président de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique, «de telles réglementations d'exception ne sont pas la solution».

«Nous ne pouvons pas tolérer que les femmes soient traitées différemment des hommes dans le service public», a-t-il dit à la télévision suisse.

Du côté des organisations musulmanes, la Fédération d'organisations islamiques de Suisse (FOIS) a indiqué lundi qu'une poignée de main entre un homme et une femme «est théologiquement permise».

La Suisse compte environ 350 000 musulmans sur une population de quelque 8 millions d'habitants, dont 2 millions d'étrangers. Elle a déjà été confrontée à des problèmes concernant des élèves musulmans, notamment de la part de parents qui refusent que leurs filles suivent des cours de natation.

Dans ce dernier cas, la justice a condamné les parents à de lourdes amendes.

En revanche, des parents ont eu gain de cause devant les tribunaux contre des écoles voulant interdire le voile religieux.

Le voile est en principe permis en Suisse dans les établissements scolaires.