Les opposants à une réforme du droit du travail français, accusée de favoriser la précarisation, ont manifesté en masse jeudi, avec parfois des violences, durcissant le bras de fer avec un pouvoir socialiste déjà fragilisé.

Entre 390 000 personnes selon les autorités et 1,2 million selon les syndicats ont battu le pavé, soit bien plus que lors d'une journée d'action similaire le 9 mars (de 200 000 à 450 000 personnes selon les sources).

Forts de cette mobilisation, les syndicats contestataires, qui réclament le retrait du projet de loi, ont annoncé de nouvelles grèves et manifestations les 5 et 9 avril.

«Loi travail, t'es foutue, la jeunesse est dans la rue!» ou «1916 : chair à canon, 2016 : chair à patrons» figuraient parmi les slogans scandés.

L'ampleur de la mobilisation est un mauvais signal pour le gouvernement socialiste et le président François Hollande, fragilisés par l'hostilité d'une partie des électeurs de gauche à cette réforme, à 13 mois de la prochaine élection présidentielle.

La police a interpellé plus d'une centaine de personnes en marge des manifestations à Paris et dans plusieurs villes, dont Rennes et Nantes (ouest), Rouen (nord-ouest), Toulouse (sud-ouest), Lyon (centre-est).

La police a répondu par du gaz lacrymogène à des jets de projectiles venant de jeunes au visage souvent masqué. Treize policiers ont été blessés.

Cette journée de contestation sociale, marquée aussi par des grèves, intervient au lendemain d'un revers politique majeur pour François Hollande. Mercredi, il avait été contraint d'abandonner, faute de consensus politique, un projet de réforme constitutionnelle annoncé au lendemain des attentats de Paris.

Très présents lors des précédentes journées d'action contre cette loi sociale, les lycéens étaient encore jeudi au coeur de la mobilisation. Quelque 200 lycées (écoles secondaires) ont été bloqués par des élèves, ou fermés par leur direction afin de protéger jeunes et enseignants d'éventuels débordements.

«Avec cette loi, ce serait le patronat qui l'emporterait sur les salariés (...) C'est notre avenir, c'est à nous de nous mobiliser maintenant pour notre futur (...), on continue le mouvement si le gouvernement ne cède pas», explique Guillaume, un lycéen de Nantes.

Un policier parisien a été placé en garde à vue jeudi dans le cadre d'une enquête sur des violences contre un lycéen la semaine dernière en marge d'une précédente manifestation, qui ont défrayé la chronique.

«Précarité»

Le gouvernement est parvenu à amadouer les syndicats réformistes en amendant son texte initial avant son passage au Parlement. Mais les syndicats contestataires, dont la puissante CGT, continuent d'exiger son retrait pur et simple.

«De toute évidence, ce texte ne permettra pas les créations nécessaires d'emplois, généralisera la précarité et aggravera les inégalités professionnelles notamment envers les femmes et les jeunes», estiment ces syndicats.

La ministre du Travail, Myriam El Khomri, a répété qu'elle «entendait les inquiétudes des jeunes» tout en défendant une «loi nécessaire et juste». Il n'est pas question de retirer cette réforme «intelligente, audacieuse et nécessaire», avait renchéri jeudi matin le premier ministre Manuel Valls.

Les grèves ont touché surtout les transports en commun, avec un train régional circulant sur deux et trois rames sur quatre dans le métro parisien. Le transport aérien a été également perturbé par une grève des contrôleurs.

La tour Eiffel est restée fermée toute la journée en raison du mouvement social, selon la Société d'exploitation du monument parisien.

La réforme est censée donner plus de souplesse au marché du travail tout en sécurisant les parcours professionnels des salariés, dans un pays où le chômage culmine à 10 % et où les petites et moyennes entreprises hésitent à embaucher.

Elle vise notamment à renforcer la négociation au sein même des entreprises, notamment sur l'aménagement du temps de travail, et à clarifier les règles du licenciement économique.

Devant les protestations des syndicats de salariés, mais au grand dam des organisations patronales, le gouvernement a finalement renoncé aux mesures les plus critiquées, comme le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif.