Accusé de ne pas avoir dénoncé des prêtres pédophiles, le cardinal Philippe Barbarin, l'une des figures les plus influentes de l'Église de France, était sur la défensive mardi après une nouvelle plainte et des pressions politiques.

«Jamais, jamais, je n'ai couvert de faits de pédophilie», a assuré l'archevêque de Lyon dans une conférence de presse organisée après une attaque en règle venue du gouvernement socialiste.

Le premier ministre Manuel Valls l'a en effet appelé à «prendre ses responsabilités», après la révélation d'une nouvelle plainte déposée contre le prélat déjà empêtré depuis des semaines dans un dossier vieux de 25 ans.

L'avocat du cardinal, Me André Soulier, a réagi avec virulence mardi soir : «Il les prend (ses responsabilités, NDLR) quand il dit ''je suis innocent, je n'ai jamais couvert des faits de pédophilie''. Qu'est ce qu'il veut, Valls ? Qu'il démissionne ? La réponse sera non !», a-t-il déclaré à l'AFP.

De fait, le Vatican, qui a jusqu'ici apporté un soutien sans faille au cardinal, a estimé qu'il était «opportun d'attendre le résultat» des enquêtes judiciaires avant de se prononcer sur son sort.

En attendant, «on doit manifester estime et respect à Mgr Barbarin», a ajouté le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi dans un communiqué.

Le prélat est éclaboussé par un scandale d'agressions sexuelles commises par un prêtre sur de jeunes scouts de Lyon entre 1986 et 1991. Le père Bernard Preynat, resté en activité jusqu'en août 2015, a été inculpé le 27 janvier après avoir reconnu les faits.

Ses victimes ont porté plainte pour «non dénonciation» contre plusieurs responsables du diocèse, dont Mgr Barbarin, qui a reconnu avoir été informé en 2007 de ces agissements.

«Moralement inacceptable»

Suite à la médiatisation de ce dossier, un homme, victime d'un autre prêtre au début des années 1990, a porté plainte à son tour contre Mgr Barbarin, à qui il reproche de ne pas avoir agi quand il l'a informé de cette agression en 2009.

«J'ai décidé qu'il fallait faire quelque chose» pour que ce prêtre, toujours en fonction, «ne détruise plus de vies comme il a détruit la mienne», a confié ce quadragénaire à l'AFP. Pour lui, l'attitude de Mgr Barbarin est «moralement inacceptable».

Sans viser nommément le prélat, la justice française a ouvert deux enquêtes préliminaires suite à ces plaintes.

À la suite d'énormes scandales aux États-Unis et au Mexique notamment, l'Église catholique a globalement renoncé à des pratiques dénoncées dans le film américain Spotlight, tout juste sacré Oscar du meilleur film, qui consistaient à simplement muter un prêtre mis en cause pour étouffer le scandale.

L'Église française a été en pointe dans ce travail, surtout après la condamnation en 2001 d'un évêque, Pierre Pican, à trois mois de prison avec sursis pour non dénonciation de viols sur mineurs commis par un prêtre de son diocèse.

Mais l'affaire Barbarin pose une nouvelle question: jusqu'où l'Église de France doit-elle faire le ménage dans son passé?

Mardi, l'archevêque de Lyon a souligné que la majorité des faits étaient prescrits juridiquement quand ils ont été portés à sa connaissance, ajoutant un maladroit «grâce à Dieu», sur lequel il est ensuite revenu.

«Sur des faits actuels je sais ce qu'il faut faire (...) Mais que faire avec tous ces faits anciens? «, s'est-il interrogé lors de sa conférence de presse à Lourdes (sud-ouest), où les 120 évêques de France sont réunis depuis mardi pour leur assemblée de printemps.

«C'est là que peut-être, nous avons à dire que, même en cas de prescription juridique du droit français, du point de vue pastoral ça ne vaut pas. Peut-être est-ce un point sur lequel il faut que l'on progresse.»

Pour les affaires pédophiles, la prescription commence vingt ans après la majorité de la victime.

Mgr Barbarin a souhaité que le prêtre mis en cause dans la deuxième affaire «n'exerce pas son ministère» le temps que justice se fasse.

Ce qui n'a pas empêché le porte-parole de l'association des victimes du père Preynat, Bertrand Virieux, de juger son intervention «pathétique», et prédisant que «d'autres affaires du même type» seront prochainement révélées.