Brûler des voitures de luxe pour dénoncer l'embourgeoisement? Dans la capitale allemande, des militants d'extrême gauche ont incendié près de 50 véhicules depuis un mois. Explications.

Squats fermés

Dans la nuit du 6 février, 28 voitures luxueuses ont été détruites et incendiées par un groupe de 40 vandales masqués dans le quartier central Potsdamer Platz.

C'est une série de raids policiers contre des squats établis dans plusieurs édifices vacants de la métropole, cet hiver, qui semble avoir déclenché l'ire des militants. « Pour chaque raid sur un squat de Berlin, nous ferons pour 1 million d'euros de dommages criminels », a déclaré un groupe disant s'appeler le commando Klaus Jürgen Rattay, ainsi nommé à la mémoire d'un squatteur tué à Berlin-Ouest par les policiers en 1981.

Anthony Steinhoff, professeur au département d'histoire de l'UQAM, qui a récemment habité à Berlin, note que les squats ont une longue tradition à Berlin. « Les squats étaient déjà une forme d'action politique qui existait à Berlin-Ouest dans les années 70-80. Aujourd'hui, il y a une pénurie de logements dans la ville, et les gens de la gauche manifestent leur mécontentement, car les autorités font fermer ces squats. »

«Ville pourrie»

La nuit du 7 février, dans le quartier Neukölln, situé dans la portion sud de la capitale allemande, au moins 20 voitures ont été incendiées, et des vitrines de commerces ont été fracassées. Les attaques ont été revendiquées dans un forum internet par un groupe d'extrême gauche. « Dans cette ville pourrie, l'argent et les profits règnent en maîtres. Quiconque ne rentre pas dans cette logique est démoli ou jeté à la rue », écrit le groupe, qui promet de continuer ses actions.

Avec la crise économique mondiale de 2008-2009, puis la crise de l'euro qui a éclaté en Grèce, des investisseurs européens cherchaient un endroit sûr pour placer leur argent. « Bien des gens en Europe ont commencé à investir dans l'immobilier, explique Anthony Steinhoff. Comme il y avait une grande disponibilité d'édifices désaffectés à Berlin, c'est devenu une destination de choix. » Souvent, ces investisseurs n'habitent pas sur place, ni même en Allemagne.

Épidémie

Cette vague d'incendies de voitures à Berlin n'est pas sans précédent : dans les années 2000, cette méthode de vandalisme était très utilisée, notamment dans les quartiers qui formaient autrefois Berlin-Est. Pendant des années, le site Brennende-autos.de [Incendie de voitures en allemand] faisait d'ailleurs la recension de chaque endroit où une voiture était brûlée à Berlin. Le site a dénombré 633 incendies de voitures entre 2007 et 2010. La police a du mal à arrêter ou même identifier les auteurs de ces actes criminels, qui sont souvent loin quand l'incendie est remarqué. En 2012, un homme de 28 ans a été condamné à sept ans de prison pour avoir incendié 80 voitures sur une période de trois mois. Le procès a établi qu'il pouvait incendier jusqu'à 12 voitures en une nuit en utilisant de l'essence à briquet.