Remontés contre une réforme du droit du travail qu'ils qualifient de «régression historique», des milliers de salariés et étudiants manifestaient mercredi dans toute la France, espérant faire reculer le gouvernement socialiste, à un an de la présidentielle.

Blocages de lycées (écoles secondaires, NDLR) à Paris et en province, rassemblements et défilés : les jeunes manifestants affirment être inquiets de la perspective d'une «précarisation» de leur future carrière professionnelle.

«El Khomri, t'es foutue, la jeunesse est dans la rue», scandaient au coeur de la capitale des lycéens et étudiants, en lançant des oeufs, des fumigènes ou des pétards.

La grogne porte sur une réforme du droit du travail portée par la ministre du Travail Myriam El Khomri. Elle a pour objectif de déverrouiller les freins à l'embauche pour infléchir le chômage endémique (10 %), notamment celui des jeunes (24 %).

«On est les employés de demain, c'est notre avenir aussi qui se joue», affirme Maxime, un étudiant en biologie de 24 ans, espérant que le gouvernement entendra la colère de la rue.

Après deux tournants contestés, libéral puis sécuritaire, depuis 2014, le président français François Hollande est de nouveau confronté à l'hostilité de son camp et risque de voir son assise à gauche se réduire encore, contrecarrant ses perspectives de nouvelle candidature pour 2017.

M. Hollande a lié celle-ci à un recul du chômage. Il défend sa volonté de combiner avec ce projet «sécurité professionnelle pour les jeunes» et «souplesse pour les entreprises», mais ne convainc pas la jeunesse.

Le premier syndicat étudiant, l'UNEF, et le syndicat lycéen FIDL ont décidé de se joindre à l'appel à manifester lancé par plusieurs syndicats contestataires comme la CGT, qui réclament le retrait pur et simple du texte.

Après avoir défilé séparément sous la pluie mercredi matin dans la capitale, étudiants, salariés, mais aussi de nombreux retraités se sont rejoints sur la place de la République avant de prendre lentement en un même cortège la direction de la place de la Nation, dans l'est de Paris. Ils étaient plus d'une dizaine de milliers, a-t-on constaté, scandant notamment : «Valls, Hollande, arrêtez les conneries, retrait, retrait de la loi El Khomri».

«Chair à patrons»

«Aujourd'hui, plus personne ne travaille 35 heures par semaine, c'est 40 heures ou plus pour gagner sa vie. Avec cette loi, ça va être combien?», dénonçait Flora, 20 ans.

«Ils nous prennent vraiment pour des cons», s'indignait Mélody, «scandalisée» par ce gouvernement de gauche prêt selon elle à prendre à la jeunesse «tous les droits légués par les anciens». «On sera jamais de la chair à patrons», lançaient des manifestants.

Dix ans après l'abandon d'un contrat de travail spécifique pour les jeunes au terme de trois mois de manifestations lycéennes et étudiantes, la mobilisation des 15-25 ans est particulièrement suivie par l'exécutif.

Hasard du calendrier, l'appel coïncidait avec une grève dans les transports ferroviaires sur des revendications salariales. Un train sur trois seulement circulait en moyenne dans la matinée dans le pays.

Face à la contestation, l'exécutif a reporté au 24 mars la présentation officielle de son texte et multiplie cette semaine des consultations avec les partenaires sociaux.

«Nous pouvons éviter les ruptures», a affirmé mardi François Hollande, lors d'un sommet franco-italien à Venise. «Il faut laisser le temps de la concertation, le temps de la discussion, et le temps de la décision viendra», a-t-il poursuivi.

Le chef du gouvernement italien Matteo Renzi a souligné qu'en Italie, où lui-même a mis en oeuvre des réformes libérales, «les choses ont fonctionné» avec «plus de 760 000 emplois» créés.

Les syndicats réformistes, CFDT en tête, ont redemandé lundi le retrait de deux dispositions emblématiques : le plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif et l'assouplissement des critères pour les licenciements économiques.

«On rentre dans un bras de fer dont personne ne connaît l'issue», a commenté mercredi Jean-Claude Mailly, numéro un du syndicat Force ouvrière.

Les syndicats prévoient d'autres actions dans les jours à venir, notamment les 12 et 31 mars. Selon des sondages, 70 % des Français sont opposés à la réforme.

L'ex-président de droite Nicolas Sarkozy, qui ambitionne de revenir au pouvoir l'an prochain, a évoqué «une ambiance de fin de règne» au sein de l'exécutif.