Le séparatiste catalan Carles Puigdemont a pris ses fonctions mardi soir en tant que nouveau président de l'exécutif de Catalogne, avec une feuille de route claire: mettre en place les institutions nécessaires à l'indépendance de la région la plus riche d'Espagne.

«Promettez-vous de remplir avec loyauté vos obligations en tant que président de la Generalitat (gouvernement régional) en faisant preuve de fidélité au peuple de Catalogne représenté par le parlement?», a demandé la présidente de la chambre régionale, Carme Forcadell, lors d'une cérémonie solennelle à Barcelone.

«Oui je le promets», lui a-t-il répondu, alors que les spécialistes s'empressaient d'observer qu'aucune promesse de respect de la Constitution ni d'allégeance à la couronne d'Espagne n'avaient été formulées.

Le roi Felipe VI, incarnant l'unité du pays, avait auparavant sans doute signé un des décrets les plus déchirants de son règne, plaçant à la présidence un séparatiste décidé à mettre fin à son royaume. Dans le texte paru mardi au journal officiel, il nomme  «président de la Generalitat Carles Puigdemont i Casamajo, élu par le parlement de Catalogne lors de sa session du 10 janvier».

Ex-maire de Gérone, ce journaliste de 53 ans ouvertement républicain avait salué, dimanche, son investiture au parlement d'un «vive la Catalogne libre».

Il remplace le conservateur Artur Mas après cinq années au pouvoir au cours desquelles les relations avec Madrid s'étaient de plus en plus tendues.

Depuis leur victoire aux élections du 27 septembre en Catalogne, les indépendantistes - pour la première fois majoritaires au parlement régional - se déchiraient sur l'identité du président de leur gouvernement. Les plus à gauche, les dix députés de la Candidature d'unité populaire (CUP), refusaient obstinément d'investir Artur Mas, à qui ils reprochent notamment ses mesures d'austérité.

Samedi, Artur Mas a finalement accepté de s'effacer pour préserver le grand projet de son camp, résumé dans une résolution parlementaire en neuf points adoptée le 9 novembre: mener la région vers l'indépendance en 2017 au plus tard, en suivant une feuille de route qui prévoit que le parlement n'est pas soumis aux institutions espagnoles.

Les embauches ont commencé 

M. Puigdemont doit notamment mettre en place un trésor public et une sécurité sociale qui seraient propres à la Catalogne. Le parlement régional a prévu de commencer ses travaux en la matière à la mi-février.

Mardi soir à Madrid, le chef du gouvernement conservateur, Mariano Rajoy, qui a déjà fait annuler par le tribunal constitutionnel la résolution parlementaire du 9 novembre, a encore prévenu qu'il ne laisserait passer aucun acte illégal.

«Il ne nous manquera ni la fermeté ni la détermination» pour protéger l'unité de l'Espagne, a-t-il dit.

Plus tard, son ministre de l'Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, a assisté à la protocolaire cérémonie de prise de fonction de M. Puigdemont l'air sombre, sans se joindre aux applaudissements pour Artur Mas.

Aux abords du palais à l'architecture gothique où était organisée la cérémonie, une poignée de manifestants ont salué avec des huées les représentants politiques favorables au maintien en Espagne.

Le nouveau président régional aura pour bras droit Oriol Junqueras, dirigeant historique du parti ERC (Gauche républicaine, indépendantiste).

M. Junqueras sera chargé de l'économie et, à ce titre, des mesures d'«urgence sociale» promises à l'extrême gauche indépendantiste, qui pourraient bien déplaire à certains milieux d'affaires. Elles visent à garantir l'accès à l'eau, à l'électricité et au gaz pour les personnes en difficulté, le droit au logement et une hausse du salaire minimum.

La Catalogne aux 7,5 millions d'habitants - représentant 20% du PIB de l'Espagne - connaît depuis les années 2010 une fièvre séparatiste de plus en plus aiguë, en partie alimentée par la crise.

Les indépendantistes réclament un référendum d'autodétermination semblable à celui de l'Écosse en 2014. Mais, selon les sondages, un Catalan sur deux souhaite encore rester espagnol.

La suite dépendra aussi des événements à Madrid, où le chef du gouvernement sortant, Mariano Rajoy, peine à former un gouvernement après avoir obtenu seulement 28,7% des suffrages et 123 sièges sur 350 aux élections législatives.

Le parti socialiste (22%), qui refuse de s'allier aux conservateurs et cherche à former un gouvernement de coalition de «changement» chassant la droite, promet de privilégier le dialogue.