L'extrême droite française n'a remporté dimanche aucune région, bloquée dans son ascension par la mobilisation d'électeurs inquiets de son accession au pouvoir 16 mois avant le scrutin présidentiel.

Ces résultats, après un succès historique au premier tour des élections régionales, sont un camouflet pour les trois figures emblématiques du parti Front national et en premier lieu pour sa présidente Marine Le Pen, 47 ans, grande perdante dans le Nord. Sa jeune nièce Marion Maréchal-Le Pen, 26 ans, a dû s'incliner dans le Sud, tout comme Florian Philippot, 34 ans, stratège du parti, dans le Grand Est.

Selon des estimations, la droite remporte sept régions, dont la région parisienne dirigée depuis 17 ans par la gauche.

La majorité présidentielle de François Hollande limite les dégâts avec cinq régions gagnées sur treize en métropole. Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, nouveau président de la région Bretagne (ouest), conservera son portefeuille au gouvernement.

L'île de Corse a été remportée par les nationalistes, une première.

« Le danger de l'extrême droite n'est pas écarté, loin de là », a réagi le premier ministre socialiste Manuel Valls. Il a salué un « élan très digne » des électeurs face au FN mais assuré que les résultats ne donnaient lieu à « aucun soulagement, aucun triomphalisme ».

Lui faisant écho, le chef de l'opposition de droite, Nicolas Sarkozy, contesté dans sa formation Les Républicains, a jugé que ces résultats ne doivent « sous aucun prétexte faire oublier les avertissements » du premier tour.

Après des résultats accueillis par ses militants dans un silence de cathédrale, Marine Le Pen a assuré que « rien ne pourra nous arrêter » tandis que pour sa nièce, « il y a des victoires qui font honte aux vainqueurs ».

Dans son édito à paraître lundi intitulé « Cette victoire est surtout une non-défaite », le quotidien de gauche Libération estime que si « le sursaut a eu lieu », « c'est la peur de l'extrême droite qui a mobilisé la gauche, non l'adhésion » et qu'il reste un an au gouvernement de gauche pour « réhabiliter l'action politique ».

Le quotidien de droite Le Figaro juge, lui, que les résultats imposent aux adversaires du FN « de se montrer à la hauteur de la confiance qui leur a été renouvelée » par les électeurs.

Selon le politologue Jean-Yves Camus, le résultat de ce dernier scrutin avant la présidentielle de 2017 « tend à confirmer qu'il y a une impasse pour le Front national : c'est un excellent parti de premier tour, mais il ne sait pas aller au-delà ». Pour 2017, les instituts de sondage donnent Marine Le Pen qualifiée au deuxième tour, après une arrivée en première position au premier tour.

Les régions françaises, réduites à 13 contre 21 pour porter leur taille au niveau des Länder allemands, sont les seules collectivités à pouvoir aider directement des entreprises. Elles ont aussi compétence en éducation et dans les transports.

Plus fort taux de participation

Avec au soir du 6 décembre le plus fort score au niveau national (28 %, et jusqu'à 40 % dans le Nord et le Sud), le Front national était en tête dans six régions. L'extrême droite tablait sur le rejet des partis traditionnels, impuissants à résoudre la crise économique, et sur les peurs provoquées par les attentats djihadistes du 13 novembre à Paris (130 morts, des centaines de blessés).

Mais la participation des Français au second tour a été nettement plus importante qu'au premier (59 % contre 50 %), signe d'une plus grande mobilisation saluée par les responsables de droite et de gauche comme un « sursaut républicain ».

La gauche avait sacrifié ses listes dans le Nord et le Sud en appelant à voter dimanche pour la droite.

Parti europhobe et anti-immigrés, le Front national est à la tête d'une dizaine de municipalités en France, mais il n'a jamais dirigé de région.

Fondé en 1972, il est présidé depuis 2011 par Marine Le Pen qui a entrepris de le dédiaboliser par rapport à la formation co-fondée par son père Jean-Marie, exclu en août du parti après des dérapages verbaux.

Dans la foulée du scrutin, l'ex président Nicolas Sarkozy (2007-2012) qui espère repartir à l'assaut de la présidentielle, a dit vouloir débattre de « tout ce qui angoisse les Français », citant l'Europe, la politique économique, le chômage et « l'affirmation de notre identité ».

À gauche, le « front républicain » face au FN prôné par les socialistes est vu par certains comme une stratégie visant à présenter François Hollande, dont la popularité a rebondi après les attentats, comme le meilleur rempart en 2017.