Un accord pour la réunification de Chypre, l'île méditerranéenne coupée en deux depuis plus de 40 ans, est « à portée de main », a vanté jeudi à Nicosie le secrétaire d'État américain John Kerry, jugeant qu'un règlement servirait de modèle au Moyen-Orient.

Pour sa première visite comme chef de la diplomatie, John Kerry tenait à encourager les négociations de paix relancées en mai, sous l'égide de l'ONU, entre les dirigeants chypriote-grec et chypriote-turc.

Il s'est entretenu tour à tour avec le président de la République de Chypre, Nicos Anastasiades, puis avec Mustafa Akinci, qui dirige la République turque de Chypre-Nord (RTCN). Il a dîné ensuite en compagnie des deux hommes à la résidence de l'émissaire de l'ONU, le Norvégien Espen Barth Eide, qui parraine le processus de paix.

« Je suis plus convaincu que jamais qu'une solution à la division de Chypre est à portée de main », a lancé M. Kerry devant la presse, après avoir brièvement participé à quelques paniers de basket-ball d'une équipe composée de jeunes originaires des deux parties de l'île.

« Ces derniers mois, il est devenu clair que la donne a commencé à changer et que des progrès tangibles ont été enregistrés », a-t-il dit, soulignant que son pays était « focalisé au plus haut niveau » sur la question chypriote.

Washington parle régulièrement d'un « conflit gelé » à propos de Chypre. « Les États-Unis sont et resteront impliqués vis-à-vis de Chypre et de son peuple (...) Nous pensons que l'heure de Chypre » a sonné, a-t-il encore martelé.

« Un modèle »

La République de Chypre, internationalement reconnue et dont l'autorité ne s'étend que sur la moitié sud de l'île, est membre de l'Union européenne depuis 2004. La RTCN proclamée dans le tiers nord est reconnue seulement par Ankara.

L'île est divisée depuis l'invasion en 1974 de sa partie nord par la Turquie, en réaction à un coup d'État nationaliste qui visait à rattacher l'île à la Grèce et qui avait suscité l'inquiétude de la minorité turcophone.

Elle est située tout près du Moyen-Orient, en particulier de la Syrie en guerre, dont les côtes sont distantes d'une centaine de kilomètres.

Pour Washington, l'intérêt de voir l'île réunifiée est hautement stratégique : les Américains pensent que cela servirait de « modèle » de paix dans une région en pleines turbulences. Qu'il s'agisse de la Syrie, d'Israël, du Liban ou de la Libye.

« Une Chypre unifiée sera un phare d'espérance dans une partie du monde tumultueuse (...) Cela sera un modèle pour d'autres lieux en quête d'un avenir pacifique et multiethnique », a argumenté John Kerry, qui a cherché sans succès en 2014 un accord de paix entre Israël et les Palestiniens et qui tente de trouver une solution politique en Syrie.

Les négociations de Chypre sont également encouragées par l'UE et par la Russie, dont le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a effectué mercredi une visite à Chypre.

Présent mardi dans le nord de Nicosie, le premier ministre turc Ahmet Davutoglu a affirmé que son pays était « prêt à soutenir une solution viable, juste et pacifique ».

Optimisme

La semaine dernière, l'émissaire de l'ONU Espen Barth Eide a fait état de « progrès » dans les négociations. Les deux parties sont « plus optimistes » sur le fait que « les dossiers en suspens peuvent être résolus dans un avenir proche », selon lui.

Des diplomates américains sont également optimistes pour les prochains mois.

Mais sur l'île, des dizaines de milliers de Chypriotes ont été déplacés, avec notamment un transfert de populations entre le sud devenu majoritairement hellénophone et le nord majoritairement turcophone.

En 2004, un plan de réunification avait été rejeté par les Chypriotes-grecs lors d'un référendum.

Les dirigeants chypriotes doivent prendre des décisions difficiles sur plusieurs sujets délicats, qui avaient fait capoter les précédentes négociations de paix, comme les arrangements territoriaux, le partage du pouvoir et les droits de propriété.

Depuis mai, une série de mesures de bonne volonté ont été annoncées des deux côtés, notamment sur la recherche des personnes disparues depuis 50 ans.

Mete Hatay, un expert basé dans le nord de l'île, s'est dit « prudemment optimiste », affirmant ne pas s'attendre à une solution d'ici la fin 2015. « Les négociations semblent aller dans le bon sens, mais ce n'est pas facile ».