La Russie a le droit de ne pas appliquer les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) si elles vont à l'encontre de la Constitution russe, selon une loi votée mardi par la Douma, préparant ainsi son refus de rembourser les ex-actionnaires du groupe Ioukos.

Adoptée en première lecture par 434 des 438 députés de la chambre basse du Parlement, cette loi place l'autorité de la Cour constitutionnelle russe au-dessus de celle de la CEDH.

Aux termes de cette loi, la Russie ne serait plus tenue d'appliquer les décisions de la CEDH, dont celle l'obligeant à verser 1,9 milliard d'euros (2,7 milliards de dollars) aux ex-actionnaires du groupe Ioukos de l'oligarque et opposant au Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, démantelé pour fraude fiscale en 2004.

«Cette loi doit permettre au gouvernement de défendre ses droits si la décision d'une organisation internationale est à l'opposé de ses intérêts nationaux», a expliqué à l'AFP le député du parti au pouvoir Russie Unie Viatcheslav Lissakov, qualifiant la décision de la CEDH d'«extrêmement politique».

Pour Dmitri Goudkov, un des rares députés à avoir voté contre la loi, cette dernière risque de conférer à Moscou le droit d'appliquer ou non le droit international, et non pas seulement les décisions de la CEDH.

«En Europe, (les députés) pensent à la meilleure façon d'appliquer le droit international. Et ici, nous pensons à la manière de le contourner», regrette-t-il, faisant référence au fait que la Russie a signé en 1996 la Convention européenne des droits de l'homme.

Moscou a également été condamné en 2014 par la Cour d'arbitrage de La Haye à verser aux actionnaires de Ioukos une indemnité de 50 milliards de dollars US (71 milliards CAN).

Mais la Russie refuse d'appliquer le jugement et le président Vladimir Poutine a affirmé d'emblée que Moscou allait «défendre ses intérêts». En conséquence, plusieurs gels et saisies d'actifs russes ont déjà eu lieu en France et en Belgique.

Fin octobre, la Douma a adopté une loi permettant à la Russie de saisir à son tour les actifs d'États étrangers sur son sol «sur le principe de la réciprocité».