Le gouvernement de gauche radicale du premier ministre grec Alexis Tsipras essuyait jeudi sa première grève générale, qui a été émaillée de quelques incidents et avait reçu le soutien de son propre parti, Syriza, opposé à de nouvelles mesures d'austérité.

Près de 20 000 personnes ont défilé dans Athènes à la mi-journée, selon les chiffres des autorités, et environ 8000 à Thessalonique (nord).

Près de la place Syntagma à Athènes, vers 11 h 30 GMT (6 h 30 à Montréal), un groupe d'environ 150 jeunes armés de barres de fer et de morceaux de marbre ont vandalisé des arrêts de bus et mis le feu à une voiture de la compagnie de télécommunications OTE, a constaté l'AFP, avant que la police ne réplique avec des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes.

Le mouvement, lancé pour 24 heures par les syndicats du pays, vise à protester notamment contre les hausses d'impôts et la réforme des retraites à venir. Il paralysait les administrations et les transports, y compris les vols intérieurs annulés par dizaines.

Les hôpitaux n'assuraient que les urgences. Les musées et les sites archéologiques étaient fermés, et les journalistes étaient aussi en grève.

Cette grève générale illustre la position ambiguë de M. Tsipras, qui s'était attiré cet été la fronde d'une grande partie de son parti Syriza et d'un cinquième de ses députés, après avoir signé un nouveau plan d'aide internationale. Au point qu'il avait dû démissionner en août, pour se faire porter de nouveau au pouvoir en septembre à la tête d'une majorité débarrassée de ses contestataires.

Mais même Syriza a appelé jeudi à participer à cette grève contre «les politiques anti-sociales, d'un néo-libéralisme extrême» menées par le gouvernement... Syriza. Un paradoxe très commenté sur les réseaux sociaux. «Je suis un peu perdu, là. On défile avec Alexis pour renverser Tsipras, ou avec Tsipras pour renverser Alexis?», se demandait par exemple un utilisateur de Twitter.

«Moyen-Âge»

M. Tsipras lui-même avait qualifié en juillet le plan d'aide de «compromis douloureux» et de «retraite tactique» pour éviter au pays de faire faillite et de sortir de l'euro.

«Nous luttons contre des mesures gouvernementales qui perpétuent des relations sociales dignes du Moyen-Âge», assurait jeudi le principal syndicat du privé GSEE.

À Athènes, le premier syndicat à défiler était le PAME, proche du parti communiste (KKE). Le cortège rassemblait environ 10 000 personnes, selon la police.

Venait ensuite la manifestation des syndicats GSEE et Adedy (public), précédée d'un cercueil portant la mention «auto-entrepreneurs, techniciens, artisans», suivie d'un autre cortège rassemblant plusieurs milliers de personnes à l'appel des partis et mouvements de gauche, dont étaient issus les jeunes fauteurs de troubles.

Beaucoup de Grecs ont été déçus du virage effectué par le jeune dirigeant de gauche radicale.

Dans la manifestation du GSEE, Maria Athanassiadou, 63 ans, électrice du Pasok (socialistes), disait vouloir «protester contre le gouvernement qui nous prend pour des imbéciles». «Je suis retraitée et je n'ai aucune idée de ce que ma retraite va devenir», déplorait-elle.

Arrivé au pouvoir en janvier avec un programme anti-plan d'assistance, il a fini par accepter un troisième plan d'aide en juillet, d'un montant de 86 milliards d'euros (environ 123 milliards de dollars) sur trois ans, alors que les deux cures d'austérité imposées au pays en 2010 puis 2012 - en échange de 240 milliards d'euros (près de 344 milliards de dollars) d'aide - avaient déjà été très mal vécues.

La grève générale se déroulait précisément pendant une visite d'inspection à Athènes de représentants des créanciers du pays, Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Fonds européen de stabilité financière.

Le gouvernement Tsipras a déjà fait adopter de nombreuses mesures du plan conclu en juillet, mais il reste des points de friction qui retardent le calendrier du versement d'une tranche de deux milliards d'euros (près de 2,9 milliards de dollars).

Le blocage concerne en particulier les saisies immobilières, au sujet desquelles Athènes est partisan de clémence, et le traitement des créances douteuses qui plombent actuellement le bilan des banques du pays.

Le ministre de l'Économie Georges Stathakis s'est cependant montré confiant mercredi, déclarant «que tous ces problèmes seront résolus d'ici samedi».

Le gouvernement compte aussi réduire le montant des retraites dépassant 1500 euros par mois (environ 2150 $).

PHOTO LOUISA GOULIAMAKI, AFP

À Athènes, un protestataire lance un cocktail Molotov en direction des policiers anti-émeutes.