Une relaxe (acquittement) a été requise mardi à l'encontre de Marine Le Pen, qui dirige l'extrême droite française et était jugée pour la première fois pour incitation à la haine, après avoir comparé les prières de rue de musulmans à l'occupation nazie.

«Mme Le Pen, en dénonçant ces prières dans l'espace public, imputables non à l'ensemble de la communauté musulmane, mais à une minorité, n'a fait qu'exercer sa liberté d'expression», a argumenté le procureur du tribunal de Lyon (centre-est) Bernard Reynaud.

«Les règles s'imposent à tous si on veut se mettre à l'abri des critiques et des propos virulents», a ajouté le procureur à l'adresse des musulmans.

La présidente du Front national (FN) avait été convoquée par la justice pour des propos tenus en décembre 2010, lorsqu'elle faisait campagne pour succéder à son père, Jean-Marie Le Pen, à la tête de ce parti.

Pendant une réunion publique devant des militants à Lyon, elle avait comparé les «prières de rue» de musulmans dépourvus de mosquées en nombre suffisant en France à l'occupation nazie de ce pays entre 1940 et 1944.

«Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, s'il s'agit de parler d'occupation, on pourrait en parler pour le coup, parce que ça, c'est une occupation du territoire», avait-elle déclaré sous les applaudissements.

«C'est une occupation de pans du territoire, des quartiers dans lesquels la loi religieuse s'applique, c'est une occupation. Certes, il n'y a pas de blindés, pas de soldats, mais c'est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants», avait-elle insisté.

Mardi, à son arrivée au tribunal, elle a accusé le gouvernement socialiste d'être responsable des poursuites. «Il ne vous étonne pas ce calendrier? Nous sommes à un mois d'une élection régionale alors que cette affaire a cinq ans!», a-t-elle lancé à la presse.

Le Front national pourrait, pour la première fois, remporter plusieurs régions aux élections de décembre, notamment dans le nord où Marine Le Pen est candidate, ainsi que dans le sud-est où sa nièce Marion Maréchal-Le Pen est tête de liste.

Stratégie de «dédiabolisation»

«Les prières de rue sont une illégalité», a poursuivi l'eurodéputée. «C'est une manière d'accaparer (...) un territoire pour y imposer une loi religieuse. Je suis dans mon droit comme responsable politique d'évoquer un sujet fondamental. C'est même un devoir».

Très à l'aise à la barre, cette avocate de formation a ensuite assuré avoir voulu s'«intéresser aux problèmes des Français et non pas (se) lancer dans des références au passé», niant toute référence explicite à la Deuxième Guerre mondiale.

«La succession des mots est très claire (les soldats, les blindés, etc.) (...) On a l'idée d'un ennemi qu'il faut combattre et cet ennemi, c'est l'ensemble des musulmans», a de son côté plaidé Me Henri Braun, avocat du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF).

La France compte la plus importante communauté musulmane d'Europe, avec environ cinq millions de personnes, dont 2,5 millions de pratiquants. Mais elle n'a que 2500 mosquées et nombre de projets peinent à se concrétiser faute de moyens financiers notamment.

Déjà impliquée dans des procès pour diffamation, Marine Le Pen n'avait jamais été poursuivie jusqu'à présent pour provocation à la haine, contrairement à son père, condamné à de multiples reprises en particulier pour avoir dit et redit que les chambres à gaz étaient un «détail» de l'Histoire.

Depuis qu'elle a pris la tête du FN en 2011, sa fille s'est évertuée à lisser l'image de son parti, se gardant de provocations outrancières.

Cette stratégie de «dédiabolisation» l'a conduite à couper les ponts avec son père, exclu du FN cet été après une nouvelle série de déclarations sur la Shoah et l'immigration. Elle s'accompagne d'une progression dans les urnes du FN, qui est même arrivé en tête des élections européennes de 2014.

Marine Le Pen encourt une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros (66 000 $) d'amende. La décision a été mise en délibéré au 15 décembre à 14 h.