Aujourd'hui «à bout», plusieurs milliers de policiers français ont manifesté mercredi sous les fenêtres de la ministre de la Justice Christiane Taubira, une première depuis 30 ans, et l'exécutif a promis de «corriger» des «dysfonctionnements» dans la justice.

«J'entends la colère des policiers, des gendarmes, j'entends leur malaise», a affirmé le premier ministre Manuel Valls dans une déclaration à la presse, flanqué des ministres de l'Intérieur et de la Justice, en annonçant une série de mesures.

«La gestion de la garde à vue sera allégée», les sorties de prisonniers devront répondre à une «nécessité avérée», un projet de loi simplifiant la procédure pénale sera présenté en Conseil des ministres «dans les prochains mois», et les peines seront «renforcées» pour le trafic d'armes lourdes, a énuméré le chef du gouvernement.

La colère des policiers a explosé après une fusillade provoquée il y a quelques jours par un malfaiteur multirécidiviste qui avait profité d'une permission pour partir en cavale, et au cours de laquelle l'un des leurs a été grièvement blessé.

Huant, sifflant et scandant «Policiers en colère», les manifestants - 7500 selon la préfecture de police, 10 000 selon les syndicats - se sont rassemblés devant la chancellerie, en plein centre de Paris, où ils ont accroché une banderole noire «Police/Justice: la rupture». Des rassemblements ont également eu lieu dans plusieurs villes de province.

Les syndicats de policiers accusent de laxisme la ministre de la Justice, qui a fait adopter une loi instaurant notamment la «contrainte pénale», une peine alternative à la détention.

Le président François Hollande a fait savoir qu'il recevrait les syndicats de police et de justice «la semaine prochaine».

Depuis les attentats de janvier (17 morts), les forces de l'ordre, qui avaient alors eu droit à un rare mouvement de sympathie de la population, sont soumises à rude épreuve entre la prévention de nouvelles attaques et la crise migratoire.

«Les policiers, héros du mois de janvier, sont devenus les oubliés de la République», tonne Jean-Claude Delage pour Alliance, premier syndicat de policiers.

Tous les syndicats déplorent une «explosion des violences», un «manque de moyens», des «missions peu claires», une «absence de réponses pénales».

Policiers, avocats, gardiens de prison

«Depuis les attentats de janvier, on fait les plantons et on "patrouille non-stop". Les moyens ne sont pas là», témoigne un officier sous couvert d'anonymat.

«Il y a un problème de suivi par la justice de ce qui se passe sur le terrain», renchérit un autre policier au milieu des manifestants. «Les gens interpellés sont souvent les mêmes, ils passent en justice et sont relâchés ou peu condamnés. Comme il n'y a aucune sanction, ils recommencent», ajoute-t-il.

La dernière manifestation policière sous les fenêtres d'un ministre de la Justice remonte à 1983, sous la présidence déjà d'un socialiste, François Mitterrand. Quelque 1500 policiers avaient conspué la politique du gouvernement, après la mort de deux fonctionnaires tués par le groupuscule d'extrême gauche Action directe.

Christiane Taubira a essuyé mercredi une nouvelle volée de critiques de l'opposition de droite, dont elle est une cible privilégiée depuis l'élection en 2012 de François Hollande.

Laurent Wauquiez, un des principaux dirigeants du parti Les Républicains de l'ancien président Nicolas Sarkozy, a dénoncé en elle «le symbole d'une certaine idéologie consistant à dire "il ne faut pas condamner les gens" et "il ne faut pas emprisonner les individus qui sont dangereux"».

Pour la ministre, la protestation des policiers s'ajoute à une grève des avocats qui refusent de contribuer davantage à la prise en charge financière des plus démunis, et à un mouvement de protestation des gardiens de prison contre la surpopulation des centres de détention.