La «désobéissance civile» présumée des dirigeants catalans, organisateurs d'une consultation interdite sur l'indépendance, en 2014, est au coeur de plusieurs audiences judiciaires, à quelque semaines de la formation d'un nouvel exécutif clairement séparatiste.

Mardi soir, l'ex-vice présidente du gouvernement catalan Joana Ortega, a été entendue brièvement et formellement inculpée pour ce chef et d'autres, dont la malversation de fonds publics.

«Je n'ai pas conscience d'avoir désobéi» à la justice, a-t-elle dit devant les journalistes en quittant le bâtiment de l'Audience provinciale (juridiction régionale) à Barcelone.

«Il n'est pas bon de criminaliser un acte politique, pacifique et démocratique», a-t-elle ajouté en regrettant que la politique s'exprime dans les juridictions pénales et non «à travers le dialogue, et la négociation».

Mardi matin, une première responsable, chargée de l'Education, Irene Rigau, a également comparu pendant près d'une heure. Elle est arrivée aux abords du bâtiment à pied, entourée par l'essentiel du gouvernement catalan et des dirigeants séparatistes, soit une cinquantaine de personnes.

Les deux femmes sont poursuivies pour l'organisation, le 9 novembre 2014, d'une consultation symbolique sur l'indépendance de la puissante région du nord-est de l'Espagne, comme le président sortant du gouvernement catalan, l'indépendantiste Artur Mas, qui comparaîtra jeudi.

M. Mas avait organisé cette consultation, sans valeur légale, pour remplacer le référendum d'autodétermination en bonne et due forme qu'il réclamait depuis 2012, mais que Madrid refusait.

La Cour constitutionnelle l'avait aussi interdite en faisant valoir que la Constitution ne permet pas d'organiser des consultations régionales sur des sujets concernant l'ensemble de la Nation.

Quelque 2,3 millions de personnes - sur 7,5 millions de Catalans - avaient participé à cette consultation. Et près de 1,9 million (80%) s'étaient prononcés pour l'indépendance.

Front uni des séparatistes 

En sortant du tribunal, Irene Rigau a démenti «avoir donné des ordres ou des instructions» aux directeurs d'école pour qu'ils organisent cette consultation, sur la base du bénévolat.

«J'ai comparu avec la conscience tranquille. Dans une société démocratique, il faut pouvoir (....) connaître l'opinion des citoyens», a-t-elle déclaré.

Des centaines de militants ont accueilli Mme Rigau aux cris de «In-de-pen-den-cia». Et dans la soirée des centaines de sympathisants des séparatistes ont bravé la pluie et manifesté contre ces comparutions. La maire de Barcelone Ada Colau a lu un manifeste pour dénoncer ces poursuites «antidémocratiques»,

Des actions peu appréciées par le Tribunal supérieur de justice de Catalogne (Cour d'appel) qui a dénoncé dans un communiqué ces «attaques directes à l'indépendance de la justice».

«Nous défendons le droit inaliénable de tout peuple à voter et à décider de son avenir politique», a déclaré Antonio Banos, dirigeant de la liste d'extrême gauche indépendantiste CUP (Candidature d'unité populaire), venu soutenir Mme Rigau.

En dépit de leur front uni face à la justice, les indépendantistes doivent encore s'accorder sur la composition de leur gouvernement.

La coalition Junts pel Si - allant du centre-droit à la gauche - a remporté les élections régionales du 27 septembre, avec 62 sièges sur 135. Mais elle est en négociations avec la CUP (10 sièges) pour former le gouvernement séparatiste censé mener la région vers la sécession en 2017 au plus tard.

La CUP refuse en principe que le président sortant, Artur Mas (centre droit), jugé trop conservateur, dirige le gouvernement régional et réclame des mesures pour aider les plus pauvres. Elle exige aussi que le futur exécutif entame la sécession sans en négocier les modalités avec Madrid.

Les deux listes indépendantistes ont obtenu ensemble une majorité absolue des sièges, mais pas la majorité des voix (47,8%), la société catalane étant profondément divisée sur cette question.

Le projet indépendantiste en Catalogne sera sans doute l'un des principaux thèmes de la campagne pour les législatives du 20 décembre. Tous les grands partis - à l'exception du Parti populaire (droite) au pouvoir - proposent des évolutions constitutionnelles pour résoudre «la question catalane».

«Une crise politique ne peut se résoudre qu'avec de la politique», a déclaré mardi le chef de Parti socialiste, Pedro Sanchez. «Le gouvernement d'Espagne ne peut se cacher derrière les tribunaux», a-t-il insisté devant la presse, en défendant la voie de la «négociation».