L'Allemagne célèbre samedi l'anniversaire de sa Réunification dans un contexte d'afflux sans précédent de réfugiés, dont l'accueil et l'intégration posent un défi au pays au moins à la taille de celui auquel il faisait face il y a 25 ans.

Le 3 octobre 1990, les deux Allemagne sont redevenues une et cette date évoque toujours pour beaucoup «les larmes de joie (...), l'impression que tout est possible, une grande chance», a déclaré le président de la République Joachim Gauck à Francfort-sur-le-Main (ouest), capitale financière qui abrite cette année la cérémonie officielle de commémoration.

«Utilisons ce souvenir comme un pont», a-t-il plaidé, estimant que «le réservoir d'expériences» du lent et parfois douloureux cheminement vers un pays unifié pouvait «rendre (les Allemands) plus forts dans la situation actuelle».

«En 1990 aussi on pouvait légitimement se demander: ''sommes-nous à la hauteur du défi?'', il n'y avait pas non plus d'exemple historique pour servir d'orientation», a-t-il rappelé, «mais des millions de personnes ont tout même pris ce défi à bras le corps».

La majorité des Allemands considèrent que la Réunification a été un succès, même si certaines différences Est/Ouest sont tenaces.

L'ex-RDA est en butte à un chômage plus élevé qu'à l'Ouest, s'est graduellement dépeuplée et n'abrite aucune des grandes entreprises allemandes - tout comme aucun de ses clubs de football ne joue en Bundesliga. C'est aussi là que les actes de violence contre les demandeurs d'asile qui ont émaillé ces derniers mois ont été les plus nombreux.

«Tous ensemble»

M. Gauck a grandi en RDA communiste et été un acteur de la «révolution pacifique» qui a conduit à la chute du Mur de Berlin en 1989 et moins d'un an plus tard à la Réunification.

Mme Merkel, également originaire de l'Est, a elle aussi appelé ses concitoyens à retrouver l'élan de la Réunification pour faire face à l'arrivée de jusqu'à un million de migrants cette année. «Nous ne devons pas baisser les bras, mais au contraire oeuvrer à ce que cela soit possible. C'est ce que nous pouvons apprendre de notre histoire en Allemagne», a-t-elle dit cette semaine.

Comme la Réunification, l'arrivée des réfugiés marquera «un tournant» pour la société allemande, a jugé récemment la chancelière. Mais elle a promis à ses concitoyens que le pays allait «y arriver».

Sa confiance est ancrée dans la position bien assise de l'Allemagne comme première puissance économique et, de plus en plus, politique en Europe.

En 1990 les partenaires et voisins de l'Allemagne ont rendu possible la Réunification, a rappelé Mme Merkel samedi à Francfort. Et aujourd'hui encore, face à la crise des réfugiés, «nous l'Allemagne ne pourrons pas régler cela seul, mais seulement tous ensemble en Europe (...) et avec le reste du monde», selon elle.

Dans son message vidéo hebdomadaire, elle a parlé d'«épreuve existentielle» pour l'Union européenne.

Doutes 

La main tendue par Berlin à ceux qui fuient la guerre et l'oppression, en particulier en Syrie, a suscité de fortes tensions dans l'UE, notamment avec certains pays d'Europe de l'Est. Le premier ministre hongrois Viktor Orban a parlé d'un «impérialisme moral» de l'Allemagne.

Les positions des uns et des autres sont le reflet «d'expériences historiques différentes», a rappelé M. Gauck, appelant au «respect» de celles-ci.

En Allemagne même, aux côtés d'extraordinaires manifestations de solidarité et d'entraide à l'intention des nouveaux arrivants, les doutes surgissent sur la capacité du pays à les intégrer.

«Presque chacun d'entre nous sent bien que la joie se teinte d'une inquiétude» devant l'ampleur de la tâche, a reconnu samedi le président de la République.

«Cela prend du temps, avant que les nouveaux arrivants s'habituent à une société qui bien souvent est en conflit avec leurs normes traditionnelles», a-t-il prévenu.

Et de poursuivre à l'intention des réfugiés: «nous ne transigerons pas avec nos valeurs», que ce soit l'égalité homme femme, celle des homosexuels ou le rejet catégorique de l'antisémitisme.