Après la disparition, au cours des derniers jours, de quelque 200 personnes au large de la Libye ainsi que la découverte de 71 migrants morts dans un camion en Autriche, l'Europe est de nouveau forcée de revoir sa gestion de la crise des migrants et des réfugiés de la Méditerranée. Les tenants et aboutissants en quatre questions et réponses.

Quelle est l'ampleur de la crise actuelle en Europe?

Selon des chiffres publiés récemment par l'Organisation internationale des migrations, l'organisme onusien qui surveille les flots de populations, au moins 322 914 réfugiés et migrants sont arrivés clandestinement en Europe au cours des premiers mois de l'année, la grande majorité fuyant la guerre en Syrie, en Érythrée, en Somalie, en Irak et en Afghanistan. En chemin, plus de 2432 ont trouvé la mort. À la même date l'an passé, l'Europe avait reçu 123 500 migrants qui avaient emprunté les mêmes chemins périlleux. On s'attend à ce que 800 000 réfugiés et migrants mettent le pied au sein de l'Union européenne d'ici la fin de l'année. En comparaison, la Turquie à elle seule abrite plus de 2 millions de réfugiés syriens. Internationalement, c'est plus de 60 millions de personnes qui sont déplacées par la guerre et les conflits, soit le plus grand nombre depuis la Deuxième Guerre mondiale, aux dires du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations unies.



Que propose de faire l'Europe pour faire face au phénomène?

Pour le moment, les 28 membres de l'Union européenne ne s'entendent pas sur les mesures à adopter. De premières réunions sur la question au début de l'été ont accouché de mesures timides. À ce jour, une poignée de pays membres se sont portés volontaires pour accueillir chez eux 32 000 des migrants arrivés en Grèce et en Italie, les deux principales portes d'entrée, soit moins de 10% du flux migratoire. La découverte d'un camion transportant les cadavres de 71 migrants en Autriche au cours des derniers jours a cependant poussé l'Europe à refaire un examen de conscience. À la demande de la France, de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, une réunion extraordinaire, regroupant les ministres européens de l'Intérieur, aura lieu à Bruxelles le 14 septembre.

Est-ce que l'Europe a les ressources pour faire face à la demande accrue?

C'est du moins ce que croit le représentant du HCR au Canada, interrogé hier par La Presse. «On pense que l'Europe a la capacité, l'expérience et les ressources pour accueillir les gens. Les chiffres actuels ne justifient pas que l'Europe soit débordée», dit Furio de Angelis. Il croit que l'Europe pourrait notamment en faire plus pour enregistrer les nouvelles arrivées et cibler les besoins pressants des migrants. Rapporteur spécial sur les droits de la personne des migrants pour les Nations unies, François Crépeau estime que l'Occident, incluant l'Europe, le Canada et les États-Unis, pourrait accueillir jusqu'à 2 millions de réfugiés et migrants au cours des cinq prochaines années, soit 62 fois plus que les cibles actuelles. Cet objectif, selon lui, pourrait être réparti au prorata de la population entre les divers pays. Ainsi, dit-il, un pays comme l'Allemagne, qui reçoit actuellement plusieurs centaines de milliers de demandes d'asile annuellement, recevrait 50 000 réfugiés par année. «Pour ça, les autres pays doivent faire un effort», estime l'expert.

Quelle est la réponse politique en Europe?

Les plus récents drames humains liés à la migration ont mené certains politiciens à prendre position. Dans un plaidoyer senti, la chancelière allemande Angela Merkel a appelé ses pairs européens à l'action, hier. «Si l'Europe échoue dans sa gestion de la crise des réfugiés, le lien avec les droits universels sera brisé», a dit la leader allemande. Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères de la France, Laurent Fabius, a fustigé la Hongrie, qui termine actuellement une clôture de 175 km de barbelés pour freiner l'arrivée des migrants. «La Hongrie fait partie de l'Europe, qui a des valeurs, et on ne respecte pas ces valeurs en érigeant une clôture qu'on n'utiliserait même pas pour des animaux», a dit M. Fabius. La remarque cinglante a été très mal reçue en Hongrie, où le gouvernement veut mettre sur pied de nouvelles lois qui vont lui permettre de retourner des demandeurs d'asile vers la Serbie, et ce, malgré les traités internationaux qui l'interdisent. La prise de bec illustre aussi le fossé idéologique qui sépare les pays d'Europe de l'Ouest et les plus récents membres de l'Union européenne, issus de l'ancien bloc de l'Est, au sujet de l'immigration.



LES ROUTES MEURTRIÈRES DE L'IMMIGRATION

ROUTE VERS L'ESPAGNE (ROUTE DE L'OUEST - en vert)

Réfugiés et migrants arrivés : 2166

Morts en chemin : 23

ROUTE VERS L'ITALIE ET L'ÎLE DE MALTE (ROUTE CENTRALE - en jaune)

Réfugiés et migrants arrivés en Italie: 111 295

Réfugiés et migrants arrivés à Malte: 94

Morts en chemin: 2326

ROUTE VERS LA GRÈCE ET LES BALKANS (ROUTE DE L'EST - en bleu)

Réfugiés et migrants arrivés : 209 457

Morts en chemin: 83

Sources : Organisation internationale des migrations, gouvernement hongrois



INFOGRAPHIE LA PRESSE

Les routes meurtrières.