La mort d'un clandestin aux alentours de l'entrée du tunnel qui relie la France et le Royaume-Uni a suscité une ambiance de crise dans les deux pays. Certains migrants sont prêts à tout pour atteindre le sol anglais, y voyant une sorte d'eldorado.

Branle-bas de combat des deux côtés de la Manche.

À Londres, la ministre de l'Intérieur, Theresa May, a dirigé hier matin une réunion de crise du cabinet ministériel pour organiser une réponse à la mort d'un migrant à proximité de l'entrée du tunnel qui relie le pays à la France.

La mort, survenue en matinée, fait suite à plusieurs journées successives d'entrées systématiques de clandestins à cet endroit.

En voyage à Singapour, le premier ministre David Cameron a avoué que «tout cela [était] très inquiétant». «Nous travaillons de manière très rapprochée avec les Français. Nous avons investi de l'argent dans la mise en place de barrières autour de Calais, notamment autour de l'entrée du tunnel. Nous faisons tout ce que nous pouvons.» Le gouvernement a annoncé un supplément de 14 millions de dollars aux 30 millions déjà budgétisés pour rendre la zone impénétrable.

Du côté français, l'ambiance n'est guère plus réjouissante. Le patron de la société Eurotunnel, Jacques Gounon, est exaspéré d'avoir dû investir plus de 340 millions de dollars «dans les moyens physiques (clôtures, éclairages, caméras, barrière infrarouge) et humains de protection du terminal de Coquelles». Deux cents personnes sont aujourd'hui chargées de la sécurité des lieux. Un nombre jugé insuffisant par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, qui appelle la société à «prendre ses responsabilités».

Bien qu'ils suscitent beaucoup de remous, les 5000 clandestins installés du côté français, à Calais, ne représentent qu'une partie infime du nombre total d'immigrants dans l'Union européenne (UE). En 2014, 625 920 étrangers ont déposé une demande d'asile dans l'UE. Selon les statistiques officielles, près d'un tiers a concerné l'Allemagne (202 645). La Suède (81 180), l'Italie (64 625) et la France (64 310) suivent. Avec 31 745 demandes, le Royaume-Uni ne se situe qu'en cinquième position, derrière la Hongrie.

«Les circuits de clandestins à travers les différents pays de l'UE sont invisibles, car les migrants se déplacent en train et en voiture pour atteindre leur destination», explique Daniel Trilling, qui prépare un livre sur le sujet. «Ces routes ne deviennent visibles que lorsque les clandestins se heurtent à une barrière physique ou politique. Calais rassemble les deux aspects puisque la ville sert aussi de poste douanier vers le Royaume-Uni.»

Le dernier recours

Les motivations des clandestins à traverser coûte que coûte la Manche sont multiples. «L'UE ne possédant pas un système d'asile unifié et cohérent, une grande partie d'entre eux a déjà tenté sans succès sa chance dans d'autres pays, très souvent en Italie, en Grèce et en France, et ils voient le Royaume-Uni comme leur dernière chance», poursuit Daniel Trilling. L'option britannique apparaît donc davantage comme un dernier recours que comme une aspiration véritable.

Les autres croient que les conditions de vie au Royaume-Uni sont plus favorables que chez ses voisins. «Si la France est généreuse avec les résidents français, elle ne fournit bien souvent pas de logement aux demandeurs d'asile, forcés de dormir dans la rue», témoigne l'auteur. «De son côté, l'Italie ne leur fournit aucune aide à la formation professionnelle ou à l'intégration. Dans ces deux domaines importants, le Royaume-Uni apparaît plus généreux.»

Le taux de réponses favorables aux demandes est également plus élevé qu'ailleurs en Europe: 30% des 12 750 décisions rendues en 2014 ont été positives, contre 15% des 37 085 réponses françaises et des 44 335 réponses allemandes.

Il reste que le Royaume-Uni bénéficie également de la réputation de terre favorable aux chercheurs d'emploi. «La plupart des clandestins que j'ai rencontrés à Calais ces derniers mois sont certains qu'il y a plein d'emplois dans le pays, même s'il faut pour cela travailler au noir», assure Daniel Trilling. «Surtout que la plupart des clandestins viennent d'anciennes colonies britanniques ou de pays où l'anglais est souvent enseigné tôt à l'école. Vu que les clandestins cherchent avant tout un endroit où recréer une nouvelle vie, connaître la langue est un avantage non négligeable.»