Le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé mercredi l'envoi de 120 policiers afin de sécuriser la région de Calais, dans le nord de la France, et «notamment le site d'Eurotunnel», en butte à de multiples incursions de clandestins.

Plus de 300 policiers étaient déjà mobilisés dans la région, qui abriterait quelque 3000 migrants, selon des chiffres officiels.

Le groupe Eurotunnel doit «également prendre ses responsabilités» pour la sécurisation des abords du tunnel sous la Manche, via lequel des migrants tentent chaque nuit de s'infiltrer en Grande-Bretagne, a ajouté M. Cazeneuve.

«C'est bien normal (...) je le dis avec esprit de responsabilité et sans esprit de polémique», a-t-il ajouté alors que l'exploitant du tunnel et le gouvernement se sont renvoyé la responsabilité de la détérioration de la situation.

«L'État a multiplié par cinq les moyens en forces de l'ordre qu'il consacre à la gestion de la situation à Calais depuis 2012», a déclaré Bernard Cazeneuve.

«L'État va renforcer encore les moyens qu'il consacre à la sécurisation de la frontière et notamment du site d'Eurotunnel. Deux unités de forces mobiles, soit 120 fonctionnaires, vont être temporairement affectées à Calais afin de contribuer à la sécurisation du site», a précisé le ministre.

Le site d'Eurotunnel à Calais a été l'objet d'au moins 1500 tentatives d'intrusions dans la nuit de mardi à mercredi, de la part de «150 à 200 migrants» selon la maire de la ville, et un candidat à l'exil a été retrouvé mort.

Il s'agit de la neuvième personne décédée aux environs du site depuis le début du mois de juin.

Londres préoccupé

«C'est très préoccupant», a réagi le premier ministre britannique David Cameron, en marge d'une visite à Singapour. «Nous collaborons étroitement» avec les autorités françaises pour faire face à la situation», a-t-il ajouté.

Une réunion d'urgence du comité Cobra, constitué de ministres et responsables de la sécurité, va se tenir mercredi à Londres pour aborder les incidents de Calais, sous la direction de la ministre de l'Intérieur, Theresa May.

Cette dernière avait reçu mardi la visite de son homologue français, Bernard Cazeneuve, alors que la polémique commence à gonfler en France.

Un candidat de l'opposition de droite aux prochaines élections régionales dans le nord, Xavier Bertrand, a réclamé un «sommet franco-britannique exceptionnel» et un «blocus maritime au large des côtes libyennes».

L'homme décédé, d'origine soudanaise et âgé de «25 à 30 ans», aurait été percuté par un camion «qui descendait d'une navette pendant qu'il essayait de grimper» dans le train, a déclaré une source policière.

«J'ai tenté trois fois (de rejoindre la Grande-Bretagne via le tunnel) cette nuit, mais c'était très difficile avec tous les vigiles. Je sais que c'est très dangereux, mais j'essaye», a déclaré à l'AFP Abraham, Soudanais lui aussi, âgé d'une trentaine d'années.

La personne morte dans la nuit de mardi à mercredi est la neuvième personne décédée aux environs du site d'Eurotunnel depuis le début du mois de juin et le groupe a réclamé mercredi une réaction des pouvoirs publics des deux côtés de la Manche.

37 000 migrants «interceptés»

Tancé par le ministre de l'Intérieur, qui l'a appelé à «prendre ses responsabilités», le groupe Eurotunnel a affirmé avoir «intercepté, depuis le 1er janvier, par ses moyens propres plus de 37 000 migrants qui ont été remis aux forces de l'ordre».

Il a également assuré avoir investi «plus de 160 millions» pour sécuriser l'accès au tunnel et doublé le nombre de gardiens, à «près de 200 personnes».

«La pression qui s'exerce maintenant chaque nuit dépasse ce qu'un concessionnaire peut raisonnablement faire», conclut le groupe qui a renvoyé la balle aux pouvoirs publics en réclamant «une réaction appropriée des États».

La pression migratoire est très forte à Calais, point de passage le plus proche vers la Grande-Bretagne depuis le continent européen. Cette proximité attire sur place depuis des années les clandestins en quête de gagner ce qu'ils considèrent comme un «eldorado».

Depuis des travaux de sécurisation du port début juin, barricades et fils barbelés rendent plus difficile l'accès aux camions qui embarquent sur les traversiers. Les clandestins se sont donc reportés sur le site du tunnel, plus difficile à sécuriser en raison de son immensité (650 hectares et 28 kilomètres de clôture).

Selon le dernier comptage officiel, remontant à début juillet, environ 3000 migrants, essentiellement des Érythréens, des Éthiopiens, des Soudanais et des Afghans, sont recensés dans la région.

De sources officielles, le départ de quelque 5000 migrants candidats au départ vers la Grande-Bretagne a été à ce jour empêché, que ce soit sur le site d'Eurotunnel ou via le port de Calais.

Eurotunnel a demandé une indemnisation de 9,7 millions d'euros (13,9 millions de dollars) aux gouvernements français et britannique, pour compenser ses dépenses liées à l'afflux de migrants.

Les autorités britanniques ont déjà déboursé 4,7 millions d'euros (6,7 millions de dollars) pour la construction de barrières visant à sécuriser les accès des plateformes et du terminal. Elles devraient être effectives dans la première semaine du mois d'août, a indiqué Eurotunnel.

Londres a annoncé mardi une rallonge de 10 millions d'euros (14,3 millions de dollars) pour renforcer la sécurité du terminal d'embarquement.

- Avec David Courbet