Les policiers turcs ont identifié un suspect lié à l'attentat-suicide qui a visé lundi des militants proches de la cause kurde dans la ville turque de Suruç (sud de la Turquie), près de la frontière syrienne, a annoncé mardi le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu.

«Un suspect a été identifié. Ses éventuels liens à l'étranger ou en Turquie sont en cours de vérification. La plus forte possibilité est qu'il s'agisse d'un attentat-suicide lié à DAECH» (acronyme arabe du groupe djihadiste État islamique), a déclaré M. Davutoglu lors d'une conférence de presse à Sanliurfa (sud).

Aucune organisation n'avait encore revendiqué mardi l'attentat de Suruç.

L'attentat-suicide a été filmé par un vidéaste-amateur qui s'affairait à tourner des images du rassemblement des militants de gauche et prokurdes réunis dans le jardin d'un centre culturel de Suruç.

Le chef du gouvernement a précisé que le bilan de l'attaque était passé de 31 à 32 morts et que 29 des quelque 100 blessés étaient toujours hospitalisés.

M. Davutoglu a également annoncé la tenue mercredi d'un conseil des ministres exceptionnel pour «étudier d'éventuelles nouvelles mesures de sécurité», à la suite de l'attentat commis à Suruç.

«Nous y discuterons d'un plan d'action incluant de nouvelles mesures de sécurité à notre frontière», a-t-il indiqué, en précisant que «tout ce qui est nécessaire sera fait contre ceux qui sont responsables (de l'attaque), quels qu'ils soient».

«Cette enquête sera bouclée aussi vite que possible», a insisté M. Davutoglu.

«Nous ne pouvons pas tolérer que des conflits extérieurs s'invitent en Turquie», a-t-il dit.

Depuis des mois, les alliés de la Turquie l'ont régulièrement accusée de ne pas en faire assez pour lutter contre le groupe EI, voire de le soutenir discrètement.

M. Davutoglu a une nouvelle fois réfuté ces allégations mardi, indiquant que le régime actuel n'avait «jamais entretenu de lien direct ou indirect avec une quelconque organisation terroriste et n'en n'avait toléré aucune».



Coups de filet


Ces dernières semaines, la police turque a mené une série d'opérations visant expressément, pour la première fois, les filières de recrutement qui opèrent sur son sol et permettent le passage illégal via son territoire de nombreuses recrues, notamment étrangères, vers le «front» syrien.

«Cette attaque terroriste (...) est en fait un acte de représailles contre l'engagement de la Turquie dans la lutte contre le terrorisme», a écrit mardi le quotidien progouvernemental Sabah dans un éditorial.

À l'inverse, d'autres voix ont mis en cause la politique «complaisante» d'Ankara vis-à-vis des organisations radicales en guerre contre le régime de Damas et accusé le gouvernement de ne pas avoir pris la mesure de la menace djihadiste.

«Aucune force ne peut agir en Turquie sans que le MIT (les services secrets turcs) ou les unités de renseignement ne soient au courant», a dénoncé la coprésidente du principal parti kurde de Turquie, Figen Yüksekdag.

Le quotidien Hürriyet a révélé mardi que les services de sécurité ont récemment mis en garde le gouvernement contre les risques d'un attentat sur le territoire turc.

Nihat Ali Ozcan, du centre d'études Tepav d'Ankara, voit dans l'attentat de Suruç «le déplacement sur le sol turc» de la guerre que se livrent en Syrie les milices kurdes et les djihadistes. «Cette attaque pourrait déclencher des conflits idéologiques, ethniques et politiques en Turquie», a-t-il souligné à l'AFP.

Bien que membre de la coalition antidjihadiste, la Turquie s'est jusque-là refusée à intervenir militairement contre le groupe EI. Son refus avait provoqué de violentes émeutes prokurdes dans le Sud-Est turc en octobre dernier.

Lundi soir, la police a dispersé des manifestations prokurdes, notamment à Istanbul.

Ankara a exprimé à plusieurs reprises sa crainte de voir émerger en Syrie une région autonome tenue par les milices kurdes proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène la rébellion sur son sol depuis 1984.

Au lendemain de l'attentat, une première cérémonie religieuse s'est tenue mardi à la mosquée de Gaziantep (sud), non loin de Suruç, à la mémoire de 25 des 31 victimes.