Un procès pour pédophilie s'ouvre samedi devant le tribunal du Saint-Siège, pour juger un ancien nonce en République dominicaine accusé d'abus sexuels sur mineurs et de détention de matériel pédo-pornographique: une première au Vatican.

Le Polonais Józef Wesolowski, assigné à résidence au Vatican et qui devrait être présent à l'audience, avait déjà été jugé et sanctionné en juin 2014 par la Congrégation pour la doctrine de la foi. Elle l'avait réduit à l'état laïc: un renoncement au sacerdoce qui constitue la peine maximale pour un prélat.

En mauvaise santé, M. Wesolowski, 66 ans, loge au dernier étage du petit Palais de justice.

Le juge, l'avocat de la défense, les procureurs qui participeront au procès sans précédent de cet ancien évêque sont tous des laïcs italiens.

Alors qu'il était nonce de janvier 2008 à août 2013, il est accusé d'avoir eu des relations avec des mineurs dans un quartier chaud de Saint-Domingue. Ensuite, d'août 2013 à son arrestation le 22 septembre 2014, il aurait téléchargé sur internet des milliers de photos pédo-pornographiques.

Témoignages probatoires de la République dominicaine

«Dans ce cas il s'agit d'un délit introduit dans la législation vaticane par François en 2013. Dans l'autre cas, il s'agit d'abus sexuels sur mineurs contestés sur la base du réquisitoire provenant des Autorités judiciaires de Saint-Domingue», avait précisé le Vatican, en annonçant le procès.

«Le tribunal pourra s'appuyer sur des expertises sur les ordinateurs du prévenu, mais aussi sur d'éventuelles formes de coopération judiciaire internationale, destinées à évaluer les témoignages probatoires fournis par la justice dominicaine», avait-il ajouté.

Selon l'hebdomadaire Panorama, le tribunal pourrait demander à avoir accès au témoignage d'un diacre dominicain arrêté à Saint-Domingue, Francisco Javier Occi Reyes, qui aurait présenté des mineurs à l'archevêché.

En cas de condamnation, Josef Wesolowski risque six à sept ans de prison, sans compter d'éventuelles circonstances aggravantes. La peine pourrait être purgée dans l'enceinte même du Vatican.

Josef Wesolowski avait «été autorisé à une certaine liberté de mouvement» à l'intérieur de la Cité-État, en décembre, quelques mois après son arrestation, «compte tenu de ses conditions de santé», mais «avec l'obligation de rester à l'intérieur de l'État».

Une première

Ce procès sera une première pour ce tribunal, qui n'avait jamais jugé un prélat dans l'histoire récente.

Il a déjà connu un procès célèbre en 2012, quand il a jugé l'ancien majordome du pape Benoît XVI, le laïc italien Paolo Gabriele, condamné pour avoir transmis secrètement à la presse italienne des documents confidentiels.

Ce procès anti-pédophilie, dont la première séance est publique, illustre la ligne plus sévère du Vatican pour faire face à ce fléau, même si les associations de victimes reprochent au Vatican de ne pas aller assez loin.

Après son ouverture samedi, le procès devrait reprendre en septembre. La défense de l'accusé pourrait demander qu'il continue à huis clos.

Un durcissement est constaté au Vatican dans la lutte anti-pédophilie. Le mois dernier, le Saint-Siège a annoncé la création d'une nouvelle instance ecclésiastique pour sanctionner les évêques coupables de négligence ou complicité avec des prêtres sous leur autorité. Plusieurs évêques accusés d'avoir protégé des prêtres abuseurs ont été démis.

Prévenir les abus pédophiles

Une commission d'experts internationaux assiste depuis un an le pape pour trouver les moyens de prévenir les abus pédophiles qui ont contribué à discréditer l'Église, principalement dans les années 60/80.

Jozef Wesolowski avait été ordonné prêtre en 1972 par l'archevêque de Cracovie, le futur pape Jean Paul II, qui l'avait ensuite ordonné évêque en 2000.

Nommé nonce apostolique en Bolivie puis dans différents pays d'Asie, il était arrivé en 2008 en République dominicaine. En 2013, des médias locaux l'accusaient d'avoir eu des relations sexuelles tarifées avec des mineurs.

Le prélat avait été rappelé en urgence en août 2013 au Vatican, qui avait refusé en janvier de l'extrader vers la Pologne.

Un autre prêtre polonais, Wojciech G, avait été condamné en mars à sept ans de prison ferme en Pologne pour des actes de pédophilie commis en République dominicaine et en Pologne.