Le principal suspect de la décapitation d'un patron dans une usine de produits chimiques du sud-est de la France s'est pris en photo avec la tête et a envoyé l'image à un numéro de téléphone canadien par le biais de l'application WhatsApp, ont révélé les autorités françaises, samedi.

Les autorités tentent de confirmer l'identité du destinataire, mais n'étaient pas en mesure de corroborer les informations de certains médias selon lesquelles la photo aurait été envoyée à une personne non identifiée qui se trouverait présentement en Syrie, ont indiqué des responsables sous le couvert de l'anonymat.

Un représentant de la sécurité a précisé que l'égoportrait avait été envoyé par l'application WhatsApp, un système de messagerie instantanée appartenant à Facebook, vers un numéro de téléphone au Canada.

Le porte-parole du ministre de la Sécurité publique du Canada Steven Blaney a indiqué à La Presse Canadienne que le Canada était impliqué dans l'enquête française. Jean-Christophe de Le Rue a confirmé que les autorités canadiennes «(assistent) les autorités françaises dans leur enquête», sans fournir plus de détails.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) n'a pas répondu aux demandes d'entrevue.

Le principal suspect, Yassine Salhi, 35 ans, qui a déjà eu des liens avec l'islam radical, de même que sa femme et sa soeur, étaient toujours détenus samedi à Lyon, au lendemain de l'attaque lors de laquelle il aurait précipité un camion dans un entrepôt de produits chimiques et accroché la tête décapitée de son patron sur une clôture de l'usine, selon les autorités.

Aucun groupe n'a revendiqué jusqu'à maintenant l'attaque à Saint-Quentin-Fallavier, en Isère. La décapitation semble imiter les pratiques du groupe armé État islamique, qui décapite ses prisonniers et expose les têtes à la vue de tous, et survient quelques jours après que des extrémistes eussent appelé à mener des attaques pendant le ramadan, le mois sacré des musulmans.

Plus tôt samedi, la porte-parole du procureur de Paris, Agnès Thibault-Lecuivre, avait indiqué que le suspect refusait de parler aux enquêteurs. Elle a aussi annoncé qu'un quatrième suspect arrêté après l'attaque avait été libéré sans accusation.

Les enquêteurs n'ont pas encore été en mesure de déterminer le motif de l'attaque ni d'identifier de possibles liens avec le djihadisme international, a précisé Mme Thibault-Lecuivre. En vertu des lois antiterroristes françaises, Yassine Salhi et les deux femmes ne peuvent être détenus pendant plus de quatre jours si aucune accusation préliminaire n'est déposée.

Par ailleurs, des centaines de personnes ont afflué samedi en Isère pour rendre hommage à Hervé Cornara, le chef d'entreprise qui employait Yassine Salhi depuis le mois de mars, et dénoncer la violence. Des dizaines de personnes ont participé à une minute de silence à Saint-Quentin-Fallavier. D'autres se sont présentées dans un quartier résidentiel de Fontaines-sur-Saône, en banlieue de Lyon, pour saluer la mémoire de M. Cornara.

Hervé Cornara, un homme apprécié de tous

Philomène BOUILLON (FONTAINES-SUR-SAÔNE) - Sauvagement décapité vendredi lors d'un attentat dans la région de Lyon, Hervé Cornara, chef d'entreprise de 54 ans, était apprécié pour son dynamisme et son engagement dans la ville de Fontaines-sur-Saône où il résidait.

«C'est un mec formidable», soupire, sans arriver à parler de lui au passé, Fernand Rodriguez, secrétaire de l'association des locataires du quartier des Marronniers, que présidait M. Cornara.

Hervé Cornara était un «enfant du quartier» qui «se donnait à fond dans tout», ont témoigné ses voisins. Émus, ils saluaient samedi la mémoire de ce chef d'entreprise, dont le corps décapité a été découvert la veille dans l'enceinte d'une usine de gaz industriels visée par un attentat.

Marié et père d'un jeune homme aujourd'hui âgé d'une vingtaine d'années, Hervé Cornara était resté fidèle, malgré ses succès, à ce quartier modeste où il avait grandi: des barres d'immeubles de quatre étages, une grande tour, une crèche, une clinique vétérinaire et un coquet jardin partagé. Sa maman, âgée de 87 ans, habite toujours dans la tour en face.

Responsable de l'association des locataires, le chef d'entreprise était très actif. «Il s'est impliqué pour garder le poste. Il voulait organiser un grand barbecue ces jours-ci», rappelle son ami Fernand.

«Il travaillait beaucoup, surtout depuis qu'il avait sa deuxième société à Chassieu, on se disait que ça lui ferait trop», ajoute Fernand Rodriguez, tandis que son épouse baisse la tête et sanglote, dans leur appartement du premier étage de la même barre d'immeuble que la victime.

L'enfant du pays avait quitté un temps la région avant d'y revenir pour créer une petite entreprise de transport. Les affaires marchant correctement, il s'était récemment agrandi et avait racheté des locaux à Chassieu, et l'entreprise de transport Colicom.

C'est là que travaillait aussi l'auteur présumé de l'attentat et de son assassinat, Yassin Salhi, qui se trouve toujours en garde à vue.

Monstrueux 

«C'est monstrueux, c'est de la barbarie, on ne lui a pas laissé de chance, il faudrait que ça s'arrête», s'emporte Nadine Espitalier, qui habite dans la même cage d'escalier.

Dans le quartier, quelles que soient les générations, tout le monde semblait le connaître.

Promenant son chien, Pascal Servino dit avoir «grandi avec lui» aux Marronniers. «Hervé était parti un temps en Martinique, et il était revenu. C'était un homme affectueux, généreux. Il était strict sur le quartier: dès que quelque chose n'allait pas, il se mobilisait pour résoudre les problèmes. Il va nous manquer».

Comme de nombreux voisins, M. Servino a rejoint peu avant midi l'allée centrale longeant l'immeuble, pour participer à une minute de silence, en présence du maire.

«Nous sommes ici pour saluer la mémoire de notre ami, de notre voisin. Hervé a été assassiné hier (vendredi) dans des conditions que l'on ne peut décrire, victime d'un acte barbare», a ensuite souligné le maire de Fontaines, Thierry Pouzol, au milieu de quelque 200 habitants.

La voix chevrotante, il a ensuite invité les habitants des Marronniers à se donner la main pendant la minute de silence, avant d'aller déposer un bouquet de fleurs devant le n°10 de l'immeuble où résidait Hervé Cornara.

- AFP

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Hervé Cornara