Le gouvernement français, pris de court par la multiplication de campements sauvages de migrants, a annoncé mercredi un renforcement d'urgence des dispositifs d'hébergements, tout en plaidant pour une réponse européenne à la hauteur de «la gravité de la crise».

La France va ouvrir 10 500 nouvelles places d'hébergement d'ici à 2016, à savoir 4000 pour des demandeurs d'asile, 5000 pour des étrangers ayant obtenu l'asile et 1500 pour l'hébergement d'urgence des occupants des campements sauvages qui ont essaimé jusque dans les rues de Paris.

Le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a demandé dans le même temps une nouvelle fois la mise en place d'«hotspots (points chauds) en Italie, en Grèce et partout ailleurs où il y aura des arrivées pour distinguer ceux qui relèvent du statut de réfugiés des autres».

Depuis le 1er janvier, il y a eu 100 000 arrivées de migrants à la frontière européenne contre 40 000 sur la même période de 2014, selon Frontex, l'agence chargée des frontières extérieures de l'espace Schengen.

Des centaines d'entre eux attendent à Vintimille, à la frontière franco-italienne sur la Méditerranée, bloqués depuis jeudi par les autorités françaises dans leur progression vers le nord de l'Europe, Paris et Rome se renvoyant la balle à leur sujet. «La police finira peut-être par me laisser passer à pied», espérait mercredi Musa, jeune Soudanais de 21 ans qui a déjà essayé de franchir trois fois la frontière en train.

La solution «est d'abord en Afrique», et «dans la résorption des conflits au Proche et au Moyen-Orient», a affirmé mercredi le premier ministre Manuel Valls devant les députés. «De ce point de vue là, l'Europe doit assumer pleinement ses responsabilités. S'il y a un pays qui a assumé ses responsabilités en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient, c'est la France», a-t-il fait valoir, dans une allusion aux interventions militaires françaises dans ces régions.

Mais au-delà de la recherche d'une réponse européenne commune à l'afflux de migrants, «la gravité de la crise» requiert «sans attendre d'adapter nos moyens en France», a reconnu le ministre de l'Intérieur à l'issue d'un Conseil des ministres hebdomadaire.

«Folie» et «honte»

La France n'est pas une destination de prédilection pour les migrants en provenance de Syrie ou de la corne de l'Afrique (Érythrée, Somalie) qui visent davantage le Royaume-Uni ou les pays scandinaves. Mais beaucoup transitent par le sol français et y vivent dans des camps de fortune, surtout à Calais (nord), point de passage vers l'Angleterre, ou à Paris.

Et même si le nombre des demandes d'asile s'est stabilisé l'an dernier à 65 000, les structures d'accueil sont saturées : seuls 50 % des demandeurs y trouvent une place. Quant aux réfugiés, ils avaient à disposition moins de 3000 places fin 2012, selon un rapport parlementaire.

Régulièrement, les médias font état de squats de migrants qui provoquent à la fois la colère des riverains et la solidarité des défenseurs des droits de l'homme.

Le plan annoncé n'a pas seulement pour vocation de «répondre à une urgence dictée par l'actualité récente», mais aussi d'«apporter une réponse durable à des dysfonctionnements anciens», a fait valoir M. Cazeneuve.

Soucieux de ne pas prêter le flanc aux accusations de laxisme qui visent régulièrement la gauche, le ministre socialiste a promis un renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière avec plus d'interpellations et plus d'expulsions.

L'annonce du plan a suscité les habituels clivages. Ouvrir des centres d'accueil de migrants en France serait «une folie, une absurdité», a estimé mardi le député d'opposition de droite Éric Ciotti.

À l'inverse, les évêques français ont exprimé mercredi leur «honte devant ce qui se passe en Méditerranée comme à Calais». «C'est toute la communauté nationale, l'ensemble de la société qui est concernée» par le sort des migrants, a souligné leur conseil permanent dans un texte officiel.

Un récent sondage semble plutôt indiquer une indifférence des Français au sort des migrants. Quelque 70 % d'entre eux se déclaraient «pas choqués» par les expulsions de camps effectués ces dernières semaines à Paris et Calais.