L'Italie a menacé dimanche de mettre en place un «plan B» qui ferait «mal à l'Europe» si elle n'est pas mieux soutenue par ses partenaires de l'UE face à l'afflux de migrants.

Illustrant ces tensions, plusieurs de ses voisins -la France, la Suisse et l'Autriche- ont bloqué ou expulsé des migrants au cours du week-end vers l'Italie.

La crise «ne doit pas être sous-estimée. C'est un problème sérieux et, que ce soit bien clair, les réponses de l'Europe n'ont pas jusqu'à maintenant été suffisamment bonnes»,  a déclaré le chef du gouvernement Matteo Renzi dans un entretien au Corriere della Sera.

L'UE peine à trouver un consensus autour de son programme de répartition des migrants -- qui prévoit de répartir 24 000 réfugiés entre les autres pays que l'Italie et la Grèce - mais Rome espère que le sommet européen du 25 juin permettra d'aller encore plus loin.

«Répartir seulement 24 000 personnes, c'est presque de la provocation», a déclaré Matteo Renzi.

«Si l'Europe choisit la solidarité, c'est bien. Si elle ne le fait pas, nous avons un "plan B" tout prêt. Mais qui frapperait surtout l'Europe en premier», a-t-il dit, sans donner de précisions.

Plus de 57 000 migrants et demandeurs d'asile ont été secourus en mer et accueillis par l'Italie depuis le début de cette année, contre 54 000 à la même époque de l'année 2014, a souligné M. Renzi.

Son ministre de l'Intérieur, Angelino Alfano a déclaré de son côté sur la chaîne Sky TG24, qu'il ne pouvait pas non plus «dévoiler ce plan B».

Il a néanmoins précisé qu'il demanderait, lors d'une réunion mardi avec ses homologues de l'UE, «une répartition équitable des migrants, l'organisation de camps en Libye ainsi qu'une politique sérieuse de rapatriement» des migrants économiques.

Tout plan pour organiser des camps d'accueil des migrants en Libye supposerait toutefois un accord entre les factions rivales qui se déchirent dans ce pays, ou l'obtention d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.

Une très grande partie des migrants africains qui tentent de gagner les côtes européennes passent par la Libye, où opèrent des filières de trafic de clandestins.

La responsabilité de l'Europe

M. Renzi, qui abordera la question de l'immigration avec ses homologues britannique et français cette semaine à Milan, a ajouté qu'il s'entretiendrait aussi avec le chef de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et la chancelière allemande  Angela Merkel.

La Convention de Dublin prévoit que les demandeurs d'asile déposent leur demande dans le pays d'entrée en Europe, une règle que l'Italie estime injuste car elle laisse Rome se débrouiller seule.

Cette convention «devrait être modifiée», a estimé Matteo Renzi, soulignant que le chaos qui règne actuellement en Libye relevait de «la responsabilité de l'Europe compte tenu de l'intervention» militaire lancée en 2011 pour aider les rebelles à renverser Mouammar Kadhafi.

La Grèce se plaint depuis longtemps elle aussi d'être abandonnée face au même problème des migrants arrivant par la mer.

La libre circulation prévue par les accords de Schengen fait que les migrants arrivant en Italie peuvent théoriquement traverser les pays voisins: France, Autriche, Suisse et Slovénie pour se rendre en Grande-Bretagne, en Allemagne et dans les pays scandinaves.

La France a cependant bloqué ce weekend à sa frontière avec l'Italie plus de 200 migrants candidats à l'immigration vers l'Europe du Nord.

Cent cinquante d'entre eux ont passé la nuit de samedi à dimanche dans la gare de la petite ville italienne de Vintimille, où ils ont dormi à même le sol.

La Croix-Rouge a distribué de la nourriture et des jouets aux enfants.

La police autrichienne a annoncé de son côté dimanche qu'elle allait renvoyer en Italie 24 migrants africains arrêtés alors qu'ils tentaient de gagner l'Allemagne en train.

En Suisse, pays non membre de l'UE, le porte-parole du corps des gardes-frontières Attila Lardori a indiqué que 240 migrants en situation irrégulière avaient été refoulés. En moyenne 30 à 50 migrants ont été interpellés chaque jour en Suisse au cours des deux dernières semaines, dans des trains circulant entre l'Italie et la France, a-t-il ajouté.