L'Union européenne mettait sur pied lundi une opération navale pour «casser» l'activité des trafiquants qui «mènent des migrants à la mort» en Méditerranée, un mois après un naufrage tragique qui a sonné la mobilisation en Europe.

Cette mission sans précédent doit entraîner le déploiement de bâtiments de guerre et d'avions de surveillance des armées européennes au large de la Libye, devenue la principale plate-forme du trafic. Elle requiert un accord des Nations unies et ne doit être véritablement lancée qu'en juin.

L'opération, EU Navfor Med, doit être formellement décidée lundi après-midi à Bruxelles par les 28 ministres des Affaires étrangères, après une réunion avec leurs homologues de la Défense.

Il s'agit de «lutter contre les filières qui mènent des migrants à la mort», a expliqué le secrétaire d'État français aux Affaires européennes Harlem Désir.

Le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon, a promis «des actions pour traquer ces gangs de criminels».

Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 34 500 migrants sont arrivés en Italie depuis le début de l'année et quelque 1770 sont morts ou ont disparu en mer, soit plus de la moitié des près de 3300 morts enregistrés en 2014.

Accusés de passivité voire d'indifférence, les dirigeants européens avaient été poussés à agir après le naufrage d'un chalutier au large de la Libye, qui a coûté la vie à 800 personnes il y a un mois.

Ils se sont entendus sur le principe d'une opération pour «capturer et détruire les embarcations» des passeurs venant de Libye avant qu'elles ne soient utilisées. Ils ont également triplé le budget de Triton et Poséidon, deux missions européennes de surveillance et sauvetage en Méditerranée.

La Commission européenne veut en sus instaurer des quotas pour mieux répartir les réfugiés, à commencer par 20 000 Syriens dont l'ONU demande l'accueil à l'UE. Mais le projet a déjà été rejeté par la Grande-Bretagne et la France.

Pour encadrer le volet militaire de leur action, les Européens veulent une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. «Je n'ai constaté aucune résistance politique majeure», a affirmé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, qui s'est rendue à New York pour plaider sa cause.

D'abord réticente, la Russie semble prête à soutenir un texte ne mentionnant pas spécifiquement la destruction des navires. Il ne devrait toutefois pas être adopté avant la fin de la semaine.

La mission militaire est unanimement dénoncée par les ONG, pour qui elle va seulement déplacer les routes migratoires, et augmenter les risques pour les migrants.

Intervenir «au plus près des côtes»

Le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier a souligné que les Européens travaillaient à une réponse globale au problème.

«Les missions de sauvetage ne vont rien changer à elles seules, la mission militaire ne changera rien à elle seule. Nous devons aussi obtenir un engagement des pays d'origine des réfugiés et une stabilisation de la Libye», a-t-il plaidé.

Lundi, les ministres européens doivent demander que les préparatifs pour l'opération navale soient entamés sans attendre.

L'opération aura son quartier général à Rome et doit être  commandée par l'amiral italien Enrico Credendino. La France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne ont déjà promis des navires.

Si les opérations terrestres en Libye sont exclues, M. Désir a estimé qu'il fallait pouvoir «intervenir au plus près des côtes de départ».

«Il faut d'abord sauver les personnes qui sont à bord des bateaux, et s'il le faut, les ramener au port de départ», a poursuivi M. Désir. Les embarcations doivent ensuite être «neutralisées, par exemple en détruisant les moteurs».

Sont aussi visés les bateaux utilisés par les passeurs pour tracter jusqu'en haute mer des radeaux de fortune chargés de centaines de migrants.

Non sans risque: des trafiquants ont déjà ouvert le feu sur les gardes-côtes italiens pour qu'ils abandonnent un navire intercepté.

Certains craignent aussi les infiltrations de jihadistes mettant à profit le chaos ambiant en Libye.

«Il peut y avoir des combattants étrangers, des terroristes qui se cachent, qui se mêlent aux migrants», a fait observer le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, invité par les ministres à se joindre à la réunion.