À peine réinstallé à Downing Street, David Cameron se voit confronté à la question de l'avenir du Royaume-Uni dans l'Europe et à la menace de rébellion de la frange eurosceptique de son parti, qui risquent d'empoisonner son second mandat.

Dans son premier discours après sa victoire, le premier ministre conservateur a affirmé qu'il tiendrait sa promesse d'organiser un référendum sur le maintien ou la sortie du pays de l'Union européenne d'ici la fin 2017.

Lui-même fera campagne pour le maintien dans l'UE, à condition de parvenir à renégocier certains aspects de l'adhésion du Royaume-Uni, a-t-il dit.

Mais il devra dans le même temps s'employer à rassurer simultanément ses partenaires européens et les eurosceptiques de son propre parti, dont l'influence est renforcée par le fait que les conservateurs ne détiennent à la Chambre des Communes qu'une courte majorité de six sièges, les obligeant à faire bloc.

Une source au sein de la direction du parti conservateur a reconnu, dimanche dans le Sunday Times, que David Cameron risquait d'avoir des difficultés à rassembler son parti sur les renégociations avec l'Europe.

Otage des durs du parti

« Des problèmes s'annoncent. La renégociation avec l'Union européenne doit être claire et une large frange des députés conservateurs va se diviser sur la question et se jeter des pierres », a-t-il estimé.

D'ores et déjà, jusqu'à 60 députés rebelles s'apprêtent à demander à David Cameron d'obtenir un nouveau pouvoir pour la Chambre des Communes afin qu'elle puisse mettre son veto à toute loi européenne, croit savoir le Sunday Times.

« À chaque étape, il devra gérer un groupe politique pouvant compter jusqu'à 100 rebelles eurosceptiques qui ne se satisferont sans doute pas d'une simple réduction de la bureaucratie » européenne, estimait déjà le Times dans son éditorial de vendredi.

Lors de son précédent mandat, David Cameron avait réussi à asseoir son contrôle sur les députés de son parti, y compris son arrière-garde la plus virulente dont l'influence était diluée par la présence des libéraux démocrates, partenaires de coalition des conservateurs pendant cinq ans.

Sa situation actuelle a été comparée à celle de l'ancien Premier ministre conservateur John Major, confronté à l'opposition virulente d'une frange de son parti aux négociations du traité de Maastricht. Major avait alors perdu son sang-froid tout britannique, traitant trois membres de son gouvernement « d'enfoirés ».

« Le plus grand défi pour Cameron réside dans la menace du "retour des enfoirés" », écrit ainsi dans le Guardian le commentateur politique Simon Jenkins.

Des concessions européennes possibles

Des responsables conservateurs croient néanmoins qu'un accord, notamment avec l'Allemagne, est possible.

« L'idée serait de mettre George (Osborne) et Phil (Hammond) dans un avion pour Berlin et de les amener à avoir une franche discussion avec les proches de Merkel pour savoir exactement ce qui est possible en terme d'accord », a dit un responsable gouvernemental au Sunday Times.

Selon le quotidien dominical, la mission européenne de George Osborne et Philip Hammond, respectivement numéro deux du nouveau gouvernement et ministre des Affaires étrangères, serait facilitée par un « geste » de Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, en direction de Cameron.

M. Juncker serait en passe de proposer un changement dans les règles européennes existantes « sur la mobilité des travailleurs » pour contenter non seulement les Britanniques, mais aussi les Néerlandais et les Allemands. Cela viserait à durcir les règles de recrutement des immigrés au sein de l'UE et à s'attaquer à la fraude aux aides sociales.

Vendredi, la Commission européenne a cependant rappelé que la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services n'était « pas négociable ».

Pour Sara Hobolt, spécialiste des politiques européennes, « Cameron peut obtenir quelque chose sur l'immigration, sur l'accès aux avantages sociaux liés au travail et sur des restrictions d'accès aux soins, tout cela étant faisable sans modification des traités » européens.

« Mais il n'obtiendra rien sur la liberté de circulation des travailleurs », a-t-elle dit à l'AFP.