Le conservateur David Cameron a brillamment remporté des législatives britanniques aux allures de séisme: fatales à trois des quatre principaux leaders du pays, elles font planer la menace d'une sortie du Royaume-Uni de l'UE et consacrent le triomphe de nationalistes écossais tentés par l'indépendance.

Conforté par un résultat inespéré qui lui a donné la majorité absolue, le leader des Tories a rendu visite à la reine Elizabeth II, au palais de Buckingham, recueillant son assentiment formel pour la formation du nouveau gouvernement.

«Je vais maintenant former un gouvernement conservateur de majorité», a-t-il ensuite annoncé devant le 10, Downing Street, au premier jour de son second mandat. En 2010, les Tories avaient eu besoin des libéraux-démocrates pour gouverner.

À l'instar de la chancelière allemande Angela Merkel, le président américain Barack Obama a félicité David Cameron pour son «impressionnante» victoire, déclarant souhaiter «continuer de renforcer les liens entre nos pays».

Le président français François Hollande a également salué la victoire de David Cameron, l'invitant à venir à Paris, une fois son gouvernement formé.

En fin de journée, le premier ministre a reconduit sa garde rapprochée aux quatre postes clés : George Osborne conserve le portefeuille des Finances et devient le N.2 officiel du gouvernement, Theresa May reste à l'Intérieur, Philipp Hammond aux Affaires étrangères et Michael Fallon, à la Défense.

Les autres ministres seront nommés ultérieurement.

Les résultats définitifs après dépouillement des 650 circonscriptions allouent 331 députés aux conservateurs (+24), 232 aux travaillistes (-26), 56 au SNP (+50), huit aux libéraux démocrates (-49), 1 à l'Ukip (-1).

Le Labour a été laminé en Écosse, où les indépendantistes du SNP ont raflé 56 des 59 sièges en jeu dans leur région autonome, jusqu'ici considérée comme un fief travailliste inexpugnable.

«Bain de sang» politique

Nombre d'analystes avaient prédit, dès les premières tendances connues, «un bain de sang» politique.

Nigel Farage, le chef de file du parti europhobe UKIP, battu à South Thanet, a été le premier à démissionner, mettant à exécution sa promesse de «tirer le rideau» en cas d'échec. Son départ porte un coup extrêmement sévère à son parti qui sauve un seul de ses deux députés, en dépit d'un score flatteur de près de 13 % en voix. L'homme-orchestre de l'UKIP n'a toutefois pas exclu un retour.

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Nigel Farage

Peu après, le leader libéral-démocrate Nick Clegg, 48 ans, a jeté l'éponge au sortir d'une nuit «dévastatrice», selon sa propre expression.

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Nick Clegg

Ed Miliband, 45 ans, le patron des travaillistes, a suivi le même chemin, en endossant «l'entière responsabilité de la défaite» avant de démissionner à son tour.

Les autres grands perdants du scrutin sont les instituts de sondages qui n'ont cessé de prédire un résultat ultra serré, renvoyant dos à dos les deux partis traditionnels frappés de déclin dans un paysage caractérisé par le multipartisme.

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Ed Miliband

Le Labour est d'abord et avant tout victime du tsunami nationaliste qui a déferlé sur l'Écosse, le SNP décuplant presque sa représentation à la Chambre des Communes. «Le lion écossais a rugi cette nuit», s'est félicité son ancien leader Alex Salmond.

Le triomphe du SNP - aujourd'hui dirigé par Nicola Sturgeon - est symbolisé par l'élection de Mhairi Black, une étudiante de 20 ans qui devient la plus jeune députée de Westminster depuis 1667, aux dépens du député sortant et cadre du Labour Douglas Alexander.

Ed Balls, le bras droit de Miliband, Jim Murphy, patron du Labour en Écosse, et Vince Cable, ancien ministre lib-dem du Commerce font partie des autres victimes de marque d'un scrutin assassin.

Attention Brexit

David Cameron avait été critiqué pour son manque d'engagement en début de campagne. À peine réélu il a réitéré sa principale promesse de campagne : l'organisation d'ici 2017 d'un référendum sur le maintien ou pas du pays dans l'Union européenne. Une perspective qui inquiète ses partenaires européens en raison de la possibilité d'un «Brexit», un acronyme désignant une sortie du club des 28.

La nouvelle de la victoire des conservateurs s'est traduite par un bond de la livre britannique face au dollar et à l'euro vendredi sur les marchés asiatiques.

La Bourse de Londres évoluait également en hausse vendredi, malgré des incertitudes européennes potentiellement préjudiciables aux affaires.

Qui plus est, une éventuelle sortie de l'UE pourrait avoir par contrecoup des répercussions profondes sur le maintien de l'Écosse, largement pro-européenne, au sein du Royaume-Uni.

Toute la journée de jeudi, les militants SNP sortant de l'isoloir à Glasgow ou Édimbourg ne faisaient pas mystère de leur volonté «de revanche». Ils aspirent en effet à la tenue d'un nouveau référendum d'indépendance, après un premier rendez-vous manqué en septembre.

Il s'agit là d'une menace non négligeable, même si «David Cameron a sensiblement accru sa stature» selon Patrick Dunleavy, expert à la London School of Economics (LSE).

Le plus jeune premier ministre britannique en deux siècles s'est comporté bien mieux que prévu dans les urnes, mais pourrait avoir des difficultés «à faire quoi que ce soit de radical», a-t-il ajouté.

Cameron devra de fait contenir le mécontentement de la frange eurosceptique de son parti et tenir à distance les prétendants à sa succession, alors qu'il a annoncé pendant la campagne qu'il ne briguerait pas de troisième mandat.

L'un deux, le bouillant maire de Londres Boris Johnson, s'est fait élire député à Uxbridge, une étape essentielle pour prétendre à la direction du parti.

Dans l'immédiat, il appartenait aux travaillistes et libéraux démocrates de retrousser les manches pour s'attaquer au pénible chantier de reconstruction.

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Nicola Sturgeon

Cameron reconduit ses principaux ministres

Le premier ministre David Cameron a donné vendredi un fort signal de sa volonté de continuité en reconduisant dans leurs fonctions les quatre principaux ministres de sa précédente équipe, dans la foulée de sa réélection pour un second mandat.

George Osborne, Theresa May, Philip Hammond et Michael Fallon, quatre poids lourds du cabinet, ont été confirmés respectivement à leurs postes de ministre des Finances, de ministre de l'Intérieur, de ministre des Affaires étrangères et de ministre de la Défense.

Le chancelier de l'Échiquier George Osborne a par ailleurs été gratifié du titre «First Secretary of State» (premier secrétaire d'État) qui désigne traditionnellement le numéro deux du gouvernement, par David Cameron, qui a fait toutes ces annonces sur son compte Twitter.

Dans son précédent gouvernement, le numéro deux était le vice-premier ministre libéral-démocrate Nick Clegg dont le parti s'est effondré lors du scrutin de jeudi.

M. Cameron, qui a décroché une majorité absolue de 331 sièges à la Chambre des Communes, a annoncé son intention de constituer une équipe 100 % conservateurs après cinq ans de coalition avec les Lib-dems.

Il a précisé ne pas compter annoncer d'autres noms vendredi soir.

Après sa réélection, David Cameron a indiqué qu'il poursuivrait sa politique d'austérité pour remettre à l'équilibre les finances publiques du pays.

George Osborne et Theresa May ont été tous deux cités par M. Cameron comme des successeurs potentiels, alors qu'il n'entend pas briguer de troisième mandat. Il avait également donné comme troisième possibilité le nom de Boris Johnson, le maire de Londres, élu député jeudi.