Le premier ministre britannique, David Cameron, s'est rendu peu avant midi lundi au palais de Buckingham, pour une audience auprès d'Elizabeth II qui officialise l'ouverture de la campagne des législatives du 7 mai.

L'arrivée de M. Cameron, qui brigue un deuxième mandat, mais aborde le scrutin au coude-à-coude avec l'opposition travailliste dirigée par Ed Miliband, a été retransmise en direct par les chaînes d'information en continu.

C'est ainsi qu'est officiellement lancée la campagne légistalive. Les conservateurs et les travaillistes ont désormais cinq semaines pour se départager dans un paysage politique si fragmenté qu'une multitude de scénarios sont envisagés: coalitions, alliances... ou retour aux urnes.

Après avoir remis la démission de son gouvernement à la reine lundi midi, et aussitôt le Parlement dissous, deux étapes entourées d'un décorum haut en couleur, le premier ministre conservateur David Cameron embarquera -tout comme ses concurrents- à bord de son bus de campagne.

Des milliers de volontaires sont mobilisés dans les divers camps dans l'espoir de faire pencher la balance. Mais un débat télévisé emblématique illustrera l'atomisation du paysage politique, le 2 avril. Les dirigeants de sept formations y participent: conservateurs, travaillistes, libéraux démocrates, l'Ukip populiste et europhobe, les Verts ainsi que les nationalistes écossais (SNP) et gallois.

La crise du système public de santé (NHS), l'économie, l'immigration et l'Europe promettent de dominer le débat qui prospère comme jamais sur les réseaux sociaux, et dans lequel la plupart des chefs de parti jouent leur survie politique.

«On se croirait au casino», commente à l'AFP Steven Fielding, professeur d'histoire politique à l'université de Nottingham.

L'une des rares certitudes est qu'à l'issue du vote du 7 mai le poste de premier ministre reviendra pour un deuxième mandat à David Cameron ou ira au chef de l'opposition travailliste, Ed Miliband.

Les pronostics sont d'autant plus hasardeux que le système de scrutin uninominal majoritaire à un tour introduit des distorsions considérables entre les scores exprimés en voix, et leur traduction en nombre de sièges à la Chambre des Communes.

Qu'on en juge: fin mars, la moyenne des sondages établie par la BBC place conservateurs et travaillistes à 34% des intentions de vote, une égalité parfaite dans laquelle ils sont figés depuis 6 mois.

L'Ukip, qui a triomphé l'an dernier aux Européennes arrive en 3e position à 13%, les Lib-dem sont relégués à 8%, les Verts obtiennent 5% et l'ensemble des autres partis (SNP compris) représentent 6%.

En nombre de sièges cependant, c'est le parti nationaliste écossais SNP qui devrait constituer le 3e groupe parlementaire, avec jusqu'à deux fois plus de députés que les Lib-dem.

Quant à l'UKIP -dont le chef Nigel Farage aspire à jouer au «renard dans le poulailler de Westminster»- il devrait se contenter d'une poignée d'élus.

Équation à multiples inconnues

Tout laisse prévoir d'intenses tractations avant et après le scrutin, en l'absence de majorité absolue (326 sièges sur 650).

Faute de vainqueur, le gouvernement sortant aurait la priorité pour tenter de former un gouvernement viable. Les conservateurs pourraient alors reconduire la coalition inédite à laquelle ils ont dû se résoudre en 2010. Mais leurs alliés libéraux-démocrates pourraient choisir de gouverner pour changer avec les travaillistes.

En revanche, les divers scénarios de coalition incluant l'Ukip à droite ou le SNP à gauche, voire les combinaisons arc-en-ciel, ont été a priori exclus par les formations concernées.

Reste l'hypothèse de gouvernements dits «minoritaires» à l'existence précaire, sur la base d'alliances circonstancielles âprement négociées à chaque vote parlementaire.

En pareil cas, les partis secondaires se rêvent en faiseurs de rois: les Lib-dem entendent tempérer l'austérité et freiner la marche vers un Brexit (sortie de l'UE); Nicola Sturgeon, à la tête du SNP affiche comme priorité «de chasser David Cameron», d'arracher des mesures sociales et de progresser vers l'indépendance de l'Écosse; l'Ukip espère conserver suffisamment d'influence pour radicaliser le discours général en matière d'euroscepticisme et d'immigration.

La précampagne a été terne de l'avis général, et tant Cameron que Miliband sont contestés dans leur camp respectif.

Le premier -qui a annoncé à brûle-pourpoint à la BBC, en pelant des carottes dans sa cuisine, qu'il ne briguerait pas un troisième mandat- est jugé trop effacé sur la scène internationale et sortirait affaibli s'il ratait une deuxième fois la majorité absolue.

Le second a beau assurer à tout propos être «un dur à cuire», les Britanniques l'imaginent mal au 10, Downing Street.

Paradoxalement, David Cameron, qui promet «de finir le travail», ne bénéficie que partiellement d'une croissance exemplaire en Europe à 2,5% et d'un chômage sous la barre des 6%.

À contrario, Ed  Miliband partisan «d'une redistribution des richesses», capitalise sur les dégâts collatéraux de l'austérité, l'appauvrissement des classes moyennes malgré la reprise, et le creusement des inégalités dans un royaume de plus en plus désuni.