Vingt-quatre heures à peine après la mort brutale de leurs camarades allemands, les élèves de l'Institut Giola, à Llinars del Vallès, pansent encore leurs plaies. Dans cette petite ville d'à peine 10 000 habitants, située dans les collines voisines de Barcelone, on oublie difficilement la disparition aussi tragique que violente de 16 adolescents et de leurs 2 professeurs de retour d'un échange scolaire, lors de l'écrasement du vol de Germanwings.

«Il y a beaucoup d'émotion et de peine, et c'est comme si les caméras rendaient tout cela plus réel», indique Arno Villa, élève de l'Institut.

Devant les grilles de l'Institut Giola, planté au sommet d'une côte, dans une petite rue résidentielle de Llinars del Vallès, de nombreux journalistes et caméras scrutaient, hier matin, les allées et venues des élèves.

Peu habitués à être au centre d'une tornade émotive et médiatique, les élèves ont reçu l'aide de psychologues de la Croix-Rouge, ainsi que la consigne stricte d'éviter les médias.

Aux journalistes groupés, un élève a d'ailleurs lâché un cri de colère: «Vous êtes ignobles!»

«C'est très difficile pour eux», souligne un professeur, Gerardo Ruiz, devant les grilles de l'Institut, qui compte plusieurs centaines d'élèves. Ana Anglada, professeure dans une école de la petite ville voisine de Cardedeu, a fait le déplacement en soutien à ses collègues, éprouvés par le drame. «C'est une grande perte», a-t-elle répété tristement, devant les caméras.

L'échange scolaire avec les élèves d'Haltern, dans le nord-ouest de l'Allemagne, était depuis plusieurs années synonyme de joie.

Jusqu'à ce vol tragique de Germanwings, qui devait ramener jusqu'à Düsseldorf, mardi matin, un groupe de 16 adolescents et leurs 2 professeurs. Triste signe de la popularité de l'échange, les 16 adolescents avaient été tirés au sort parmi une quarantaine de volontaires.

L'écrasement, le plus violent en 34 ans sur le sol français, n'a laissé aucune chance à ses passagers.

Les images des débris de l'avion, diffusées dans les bulletins d'information comme sur les unes des quotidiens espagnols, hier, renforcent un peu plus l'horreur de cet accident aérien.

Hommage

«C'est sûr que c'est difficile. Mourir comme ça, c'est vraiment tragique», confirme Daniel Munoz, un jeune de 20 ans venu soutenir l'un de ses amis, élève de l'Institut, et qui a fréquenté les élèves allemands.

Pour canaliser l'émotion, plusieurs hommages ont d'ores et déjà eu lieu dans cette petite communauté. Hier matin, une cérémonie dans l'enceinte de l'école, à 11h, a été suivie d'une minute de silence à la mairie, à midi. Un bouquet de fleurs et quelques bougies ont été déposées devant les portes d'entrée de l'Institut Giola.

«Pendant la cérémonie, on a passé des films et des photos faites pendant l'échange. Beaucoup d'élèves ont pleuré, raconte Abdu Sow, élève en administration à l'Institut, âgé de 21 ans. Je ne connaissais pas les Allemands, mais je les ai vus à l'école, on se parlait un peu en anglais, on faisait des blagues... C'est sûr qu'on n'est pas bien et que leurs amis sont choqués. On a besoin d'aide, surtout dans les maisons de ceux qui les ont accueillis.»

Le deuil national se poursuit en Espagne, où l'émotion, l'incompréhension demeurent vives. Au moins 51 Espagnols ont perdu la vie dans l'écrasement de l'avion. Avec l'Allemagne, l'Espagne est le pays le plus touché par cette tragédie.

Mais à Llinars del Vallès, il faudra encore beaucoup de temps pour se remettre du traumatisme.

On n'oubliera pas si vite ce matin où un groupe de jeunes et ses professeurs, qui devaient retrouver leurs familles et leurs projets, à quelques centaines de kilomètres de là, ont été brutalement arrachés à la vie.

«L'important, pour nous, c'est de passer le cap du deuil, pour nos enfants et nos professeurs, et de retourner dans la normalité de la vie, dit la directrice de l'Institut, Silvia Genis. Nous sommes de tout coeur avec les familles des victimes.»