Deux ans après son élection, François, premier pape de l'hémisphère sud, fascine par sa familiarité et sa proximité, suscite enthousiasme ou curiosité, mais déroute et soulève de plus en plus d'oppositions dans l'Église.

Contrastant avec la réserve de son prédécesseur Benoît XVI, François, élu pape le 13 mars 2013, a déjà marqué les esprits par de multiples gestes spontanés, d'une prière au mur de séparation entre Israël et les Territoires palestiniens à des accolades chaleureuses aux malades et handicapés.

Mais il est attendu sur deux fronts principaux et difficiles : la réforme de la Curie (gouvernement de l'Église), en chantier depuis le printemps 2013, et la réponse de l'Église aux défis de la famille catholique dans un monde moderne en pleine mutation.

Si le principe de la réforme de la Curie - modernisation, fusion de services, transparence - est largement accepté, «changer les mentalités est très difficile. Le vrai risque est la résistance passive», souligne à l'AFP une source interne au Vatican. Les critiques du pape en décembre sur «les quinze maladies» menaçant la Curie (mondanité, corruption, détachement de la réalité) ne l'y ont pas rendu populaire.

Le deuxième chantier, la famille, présente bien plus de risques pour ce pape qui jouit d'une popularité mondiale (avec quelque 19 millions d'abonnés sur Twitter) et semble parfois plus apprécié à l'extérieur de l'Église ou à ses marges que dans le coeur de l'institution.

Jorge Bergoglio, 78 ans, a convoqué deux synodes (assemblées d'évêques), en octobre 2014 et octobre 2015. Sur des sujets délicats comme la place des divorcés remariés et des homosexuels dans l'Église, «les désaccords sont publics», observe le vaticaniste Marco Politi.

Le pape devra trancher, une fois que les évêques, majoritairement conservateurs, se seront prononcés. Au risque soit de décevoir tous ceux qui croient qu'il va adapter les réponses de l'Église au monde moderne, soit de hérisser une majorité de prélats et beaucoup de fidèles.

«Beaucoup de catholiques pratiquants sont mal à l'aise. Certes, ce pape veut répondre par la miséricorde aux blessés de la vie. Mais qu'en est-il de la vérité et du droit dans une société relativiste? Ils jugent ses déclarations parfois approximatives», observe Romilda Ferrauto, de Radio Vatican.

Les critiques se font de plus en plus audibles, comme celle de cet évêque auxiliaire d'Astana (Kazakhstan) Mgr Athanasius Schneider, qui a affirmé qu'«aucun synode, aucun évêque, même un Pape ne peut nous enlever le trésor de la foi catholique».

Inclassable

François renvoie dos à dos comme des beaux parleurs «mondains» les ultraconservateurs, qui l'accusent de trahison, et certains progressistes, qui tendent à l'annexer. Pour lui, l'Évangile est «radical» et sert à «guérir». Il préfère la piété populaire.

Les bons théologiens ne doivent pas «voir l'humanité depuis leur château de verre», mais «sentir l'odeur du peuple et de la rue», a-t-il lancé.

Il a encore marqué sa préférence pour les périphéries urbaines en accordant une interview à des jeunes des bidonvilles dans un minuscule journal de rue de Buenos Aires, La Cárcova news.

Deux ans après son élection, François reste inclassable : «moi, social-démocrate!», s'était-il moqué l'an dernier devant les journalistes.

Il prône à la fois le vrai dialogue avec les autres cultures et l'obéissance absolue à l'Église.

Particulièrement éloquent quand il dénonce la traite des êtres humains et les guerres interreligieuses, il est radical sur le plan socio-économique, et conservateur en matière morale (famille, vie), sans être dogmatique et sans insister autant que Jean Paul II sur ces thèmes.

François gouverne de manière autoritaire, seul, sans courtisans, privilégiant le contact multiple. Sa différence d'attitudes - chaleureux avec les simples fidèles, parfois moqueur et cassant avec les clercs - le fait détester de certains qui l'accusent de démagogie.

François irrite et déconcerte aussi avec ses petites phrases, déclarant par exemple que les catholiques ne doivent pas se reproduire comme des «lapins» ou que celui qui insulte sa mère peut s'attendre à «un coup de poing».

François ne cesse de travailler du matin au soir, au point de donner l'impression de désordre et d'improvisation. Il semble mener une course contre la montre pour rapprocher l'Église des peuples, sachant très bien qu'à son âge, le temps lui est compté.