La piste islamiste privilégiée par la police russe dans l'enquête sur le meurtre de l'opposant Boris Nemtsov est «absurde» et «répond à un ordre du Kremlin», a affirmé lundi à l'AFP son ami Ilia Iachine.

«Boris Nemtsov n'était pas islamophobe et n'a jamais tenu de propos négatifs sur l'Islam», a ajouté M. Iachine, ami de Nemtsov et cofondateur avec lui du mouvement d'opposition Solidarnost.

L'hypothèse d'un assassinat en réponse au soutien de M. Nemtsov à Charlie Hebdo est privilégiée par les enquêteurs depuis l'arrestation dimanche de cinq suspects originaires de Tchétchénie et d'Ingouchie, deux républiques musulmanes de Russie.

L'un d'eux, Zaour Dadaïev, a reconnu avoir participé au meurtre de M. Nemtsov. Si M. Dadaïev n'a pas expliqué les raisons de cet acte, le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov a expliqué sur son compte Instagram qu'il était «un homme profondément religieux [...] choqué par les caricatures de Charlie Hebdo», l'hebdomadaire satirique français dont des journalistes ont été abattus à Paris en janvier et que soutenait Boris Nemtsov.

Mais pour Ilia Iachine, «de nombreuses personnalités ont eu des mots bien plus durs envers l'Islam» que Boris Nemtsov après ces attentats. «Nos pires craintes deviennent réalité: l'exécutant a été arrêté mais les commanditaires resteront en liberté. La version islamiste est absurde et répond à un ordre politique du Kremlin», a-t-il ajouté.

Zaour Dadaïev, la trentaine, arrêté en Ingouchie, république voisine de la Tchétchénie, avait servi 10 ans dans les forces spéciales tchétchènes selon l'agence TASS. Quatre autres suspects ont été inculpés du meurtre de Nemtsov, 55 ans, abattu à Moscou à deux pas du Kremlin le soir du 27 février, mais ont nié toute implication.

Dadaïev avait été décoré en 2010 par le ministre russe de l'Intérieur de l'époque, Rachid Nourgaliev.

Et le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, décoré lundi par Vladimir Poutine, a salué en Zaour Dadaïev «un vrai patriote russe» et un soldat «des plus courageux et méritants de son régiment».

Les enquêteurs avaient affirmé en début de semaine n'écarter aucune piste, envisageant tout aussi bien celle des islamistes que celle de nationalistes russes mécontents de la critique de l'opposant du rôle de la Russie dans la crise ukrainienne.

L'opposition russe avait dénoncé le «climat de haine» instillé selon elle par les autorités russes dans la société et les médias officiels.