La défense de François-Marie Banier, principal prévenu au procès Bettencourt, a farouchement défendu mercredi l'idée d'un libre «choix» de la «fée Liliane» Bettencourt en faveur d'un ami qu'elle a «couvert d'or», le premier à la «reconnaître pour ce qu'elle est».

Banier, «c'est le choix qu'elle a fait», a affirmé Laurent Merlet, premier des avocats de l'artiste à plaider devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, qui juge dix personnes pour «abus de faiblesse», «recel» ou «blanchiment», portant sur des centaines de millions d'euros, au détriment de l'héritière du groupe de cosmétiques  L'Oréal, aujourd'hui âgée de 92 ans, sous tutelle en raison d'une maladie d'Alzheimer et absente de ce procès hors normes.

«On peut trouver choquant de choisir un ami pour le couvrir d'or, mais cela n'en fait pas un acte abusif», a rappelé l'avocat, qui a plaidé la relaxe du photographe de 67 ans. Trois ans de prison et 375 000 euros d'amende ont été requis contre lui par le parquet, la peine maximale.

S'appuyant sur des lettres de la milliardaire à son confident Banier, l'avocat a souligné le libre arbitre de la vieille dame au moment des dons, d'actes notariés, qui pour beaucoup n'étaient que «confirmations de décisions» prises des années auparavant, bien avant la période des faits poursuivis. Et, chaque année, «la fée Liliane régularise les dons, les donations».

François-Marie Banier, photographe en vogue dans les années 70-80, ami de Louis Aragon, est jugé pour des «abus de faiblesse» portant sur plus de 400 millions d'euros (environ 565 millions de dollars canadiens). Mais pour Me Merlet, il ne reste que «104 millions d'euros» (environ 150 millions de dollars canadiens).

Avec Banier, «comme avec mon père»

Les avocats ont aussi évoqué la profonde déchirure mère-fille chez les Bettencourt, cette famille où la vie est «sinistre», où règnent «les non-dits, les secrets». «Pouvez-vous dire à ma fille que j'ai écrit une ou deux fois par jour pendant 15 ans à François-Marie Banier ?», demande la milliardaire à son notaire, dans une lettre de 2003 qui ne devait être ouverte qu'après sa mort. «J'avais besoin d'un échange profond. Je parlais à François-Marie comme je parlais avec mon père. Je n'ai pas pu parler à ma fille depuis son mariage...».

Me Pierre Cornut-Gentille, autre avocat de Banier, a réfuté l'image d'une vieille dame «séquestrée» par son confident, évoquant un conflit avec sa fille qui la pousse en 2007 à faire de Banier son légataire universel.

L'avocat a aussi détaillé la relation tissée entre l'artiste, «chien fou» au caractère d'«enfant», et l'héritière, fille du fondateur de L'Oréal, femme d'un ministre gaulliste, 1re fortune de France, 11e mondiale : «Toute sa vie elle est reconnue comme quelqu'un d'exceptionnel, mais pas pour elle-même», insiste l'avocat. Et «un jour dans sa vie, un fou, un demi-fou (...) Banier, fait tout exploser : il la reconnaît enfin pour ce qu'elle est !».

«Trop soignée, mal soignée»

Évoquant la santé de Mme Bettencourt, au coeur du délit «d'abus de faiblesse», Me Cornut-Gentille a appelé le tribunal à distinguer les «hypothèses» des «certitudes» et à «sérier les périodes», notamment à partir de 2006, date à laquelle les experts judiciaires font remonter le début de troubles cognitifs susceptibles d'avoir altéré son jugement.

«Tous (les médecins) décrivent la même situation, de légères pertes de mémoire, mais rien qui permet d'affirmer, sauf quand il y a prise médicamenteuse, qu'elle n'avait pas sa faculté de jugement», dit l'avocat. Le «doute principal», c'est sur «le moment où a basculé» - en 2010, selon lui -, la santé psychique de Liliane Bettencourt, une «hypocondriaque», «trop soignée et mal soignée».

Elle n'est pas «cette marionnette» décrite par le Parquet, a résumé Me Merlet, en affirmant «qu'elle n'a jamais voulu que donner» à François-Marie Banier tout ce qu'elle lui a donné. «Respectez-la dans ses choix!», a-t-il lancé.

Les plaidoiries des avocats de l'ex-gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, également jugé pour «abus de faiblesse» et «blanchiment», sont attendues en milieu d'après-midi.