La France a signé lundi au Caire le premier contrat d'exportation de son avion de combat Rafale, avec l'Égypte qui achète 24 exemplaires de ce fleuron de l'industrie aéronautique française, a constaté un journaliste de l'AFP.

Le PDG du constructeur français Dassault Aviation, Éric Trappier, a signé le contrat au palais présidentiel en présence du chef de l'État égyptien Abdel Fattah al-Sissi et du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian.

Cette vente marque aussi le soutien de Paris au président égyptien Abdel Fattah al-Sissi dans un contexte géopolitique tendu et en pleine répression de toute opposition en Égypte.

L'Égypte a bombardé lundi des positions du groupe armé État islamique (EI) en Libye, quelques heures après la revendication par cette organisation djihadiste de la décapitation de 21 chrétiens coptes égyptiens, kidnappés en janvier.

Le contrat avec l'Égypte, d'un montant de 5,2 milliards d'euros (près de 10 milliards de dollars), porte sur la vente de 24 avions Rafale fabriqués par Dassault Aviation, une frégate multimission FREMM du groupe naval DCNS ainsi que des missiles conçus par MBDA.

«C'est un contrat exceptionnel pour nos industries de défense qui valorise le Rafale... un avion très performant», a commenté M. Le Drian, parlant aussi d'un «bon contrat pour DCNS».

Menée en un temps record, à peine trois mois, cette vente à l'initiative de l'Égypte marque le souhait du Caire de diversifier ses sources d'armements et de s'affranchir de la tutelle américaine, dont elle était très dépendante jusque-là.

Elle souligne surtout le soutien affiché de Paris au régime égyptien, dans une région en proie à une profonde instabilité.

«Avec l'Égypte, ça s'est fait très rapidement», a expliqué le président français François Hollande la semaine passée. «D'abord parce que l'Égypte voulait un avion de grande qualité» et «rapidement compte tenu des menaces qui existent autour de ce pays».

Paris, comme les autres capitales occidentales et nombres d'États dans la région, s'inquiète notamment des risques de déstabilisation régionale engendrés par la présence des djihadistes de l'EI en Syrie et en Irak, mais également au-delà.

«Le président Sissi a une nécessité stratégique, c'est d'assurer la sécurité du canal de Suez, par lequel passe une grande partie du trafic (maritime) mondial», a déclaré lundi M. Le Drian. «C'est la première raison de l'urgence d'avoir à la fois les capacités navales et aériennes pour assurer cette sécurité».

Avant d'atterrir en milieu d'après-midi au Caire en compagnie du PDG de Dassault Aviation, Éric Trappier, le ministre français avait souligné que l'Égypte était confrontée «au risque fondamentaliste» dans la péninsule du Sinaï, mais également au groupe État islamique en Libye, pays qui partage plus de 1000 km de frontière avec l'Égypte.

«Il y a dans le chaos libyen des risques de jonction entre ce qu'est Daech au Levant (Syrie, NDLR) et Daech en Libye», a-t-il ajouté.

«Répression sans précédent»

Paris n'a donc pas donné d'échos aux critiques des défenseurs des droits de l'homme, qui pointent un bilan «alarmant» du président Sissi depuis son arrivée au pouvoir, quand il a destitué en juillet 2013 son prédécesseur élu, l'islamiste Mohamed Morsi.

Peu avant l'annonce du contrat, Amnistie internationale France avait appelé Paris à «suspendre tous les transferts d'armes» à l'Égypte en raison de la «répression, sans précédent depuis 30 ans» dans le pays.

«Le développement et la démocratie, c'est postérieur à la sécurité. Le maréchal Sissi a été élu par son peuple et prépare des élections législatives. La sécurité est l'élément d'urgence pour ce pays», a jugé M. Le Drian.

«Nous ne partageons pas toutes les actions menées par l'Égypte, mais l'essentiel c'est d'avoir un grand pays comme l'Égypte stabilisé pour assurer demain la stabilité globale de la zone», a plaidé M. Le Drian.

Paris a choisi de «jeter un voile pudique sur les vrais sujets des droits de l'homme dans l'Égypte de Sissi. C'est un choix politique assumé», résume Camille Grand, directeur de la Fondation pour la Recherche stratégique (FRS).

Pour la France, cette vente est une aubaine, car elle permet de résoudre en partie l'équation de la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, qui stipule que des «livraisons à l'exportation (du Rafale sont) également prévues permettant d'atteindre une cadence de production satisfaisante».

Paris doit réceptionner 26 avions Rafale d'ici à 2019, mais avec une production minimale de l'appareil fixée à 11 exemplaires par an, elle devra accélérer ses achats pour maintenir cette cadence.

Enfin, cette vente d'un appareil mobilisé sur plusieurs théâtres d'opérations (en Libye en 2011, au Mali en 2013 et actuellement pour les frappes de la coalition internationale antidjihadistes en Irak) permet aussi d'en espérer d'autres.

«Il y a d'autres «prospects» qui existent depuis un certain temps, qui peut-être du même coup vont se débloquer», a poursuivi M. Le Drian.

La France mise en particulier sur l'Inde, avec laquelle Dassault est en négociations exclusives depuis janvier 2012 pour 126 avions Rafale, et sur le Qatar (36 appareils).