Le pape François a demandé dimanche aux cardinaux réunis dans la basilique Saint-Pierre de ne pas s'isoler dans une «caste» et d'accueillir les exclus dans l'Eglise, exhortant à l'ouverture à quelques mois d'un nouveau synode délicat sur la famille.

La vocation de l'Église est de «ne condamner personne éternellement», a martelé Jorge Bergoglio lors d'une messe solennelle que concélébraient 160 cardinaux, dont les 20 nouveaux cardinaux créés la veille. Une petite phrase très remarquée qui rompt avec une attitude fréquente de l'Église dans le passé.

Le long sermon du pape avait été soigneusement préparé, comme une feuille de route pour les 165 cardinaux près de deux mois après le sévère discours où, devant la Curie, il avait énoncé «quinze maladies» menaçant tout pouvoir ecclésial: corruption, détachement du réel, arrogance, légalisme, scandales de moeurs...

L'Église doit être «créative pour trouver le langage juste afin de communiquer avec tous ceux qui sont considérés comme inguérissables et donc intouchables», a-t-il encore recommandé.

«Les chrétiens ne doivent pas s'isoler dans une caste!», s'est-il exclamé, critiquant la logique «des docteurs de la loi», qui, par rigorisme, marginalisent les exclus dans l'Église, comme le faisaient jadis les autorités religieuses juives pour les lépreux à l'époque de Jésus:

«Imaginez combien de souffrance et combien de honte devait éprouver un lépreux : physiquement, socialement, psychologiquement et spirituellement! C'était un mort-vivant, comme quelqu'un à qui son père a craché au visage!»

Le but de cette réglementation religieuse, a-t-il dénoncé, était de «sauver les bien-portants» et d'«exclure le danger, traitant sans pitié celui qui est contaminé». «Jésus révolutionne cette mentalité enfermée dans la peur et autolimitée par les préjugés».

Sans citer de noms, le pape a critiqué ceux qui, dans la hiérarchie de l'Église, adoptent la même attitude: «ceux qui se scandalisent» face «à n'importe quelle ouverture, à n'importe quel pas qui n'entre pas dans leurs schémas mentaux et spirituels, à n'importe quelle caresse ou tendresse qui ne correspond pas à leurs habitudes de pensée et à leur pureté rituelle».

Ce discours rappelait la fameuse phrase de François prononcée en 2013 à son retour du Brésil: «si une personne est gaie et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger?»

En octobre, un deuxième synode sur la famille va s'ouvrir, et ce thème de l'accueil dans l'Église des personnes qui ne sont pas en règle avec la doctrine --divorcés, homosexuels, couples en union libre-- sera très controversé.

Le pape est très sensible à la «réintégration» de ceux qui se sont sentis rejetés, et voudrait trouver une solution pour les divorcés remariés, actuellement interdits de sacrements.

Le père canadien Thomas Rosica, porte-parole anglophone du Vatican, a tweeté: «cette homélie devrait être le document de travail pour le synode des évêques sur la famille».