L'ex-comptable de Liliane Bettencourt, principale accusatrice du procès pour abus de faiblesse au détriment de la milliardaire française, a maintenu mardi que de l'argent avait été remis par la vieille dame à un proche de Nicolas Sarkozy pour financer sa campagne électorale.

De son côté, l'ancien ministre Éric Woerth, trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, a réaffirmé n'avoir «jamais reçu» d'argent liquide de Patrice de Maistre, l'ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt.

L'ex-comptable Claire Thibout a été interrogée par le tribunal de Bordeaux (sud-ouest) à la troisième semaine d'un procès où les dépenses excessives de la femme la plus riche de France, âgée de 92 ans et aujourd'hui placée sous tutelle en raison de son état psychique, sont scrutées à la loupe.

Témoignant par visioconférence depuis Paris en raison de son état de santé, Mme Thibout a assuré une nouvelle fois que l'ex-gestionnaire de fortune de la milliardaire, Patrick de Maistre, lui avait demandé de l'argent début 2007 pour le remettre à Éric Woerth, un proche de Nicolas Sarkozy.

L'ancien président de droite élu en 2007 et battu par le socialiste François Hollande en 2012 a bénéficié d'un non-lieu durant l'instruction.

Mme Thibout a réaffirmé que M. de Maistre lui avait demandé, début 2007, 150 000 euros (près de 213 000 $) destinés à Éric Woerth. «J'étais un peu estomaquée», a-t-elle raconté, indiquant que n'ayant qu'une autorisation pour 50 000 euros, elle n'avait pas retirer plus.

Visiblement tendue, mais combative, Claire Thibout a ensuite détaillé comment, selon elle, cet argent avait été remis le 18 janvier 2007 à Patrice de Maistre, chez Liliane Bettencourt. «J'ai remis devant Patrice de Maistre à Liliane Bettencourt une enveloppe avec 50 000, et Liliane Bettencourt a remis une enveloppe avec 50 000 euros à Patrice de Maistre. Puis je suis partie», a-t-elle déclaré.

MM. de Maistre et Woerth ont admis s'être rencontrés le 19 janvier, et une autre fois en février. Mais ils nient toute remise d'argent à cette occasion.

«Je n'ai pas reçu d'argent liquide de M. de Maistre pour financer cette campagne ou quoi ce soit d'autre, lors de ces rendez-vous ou de tout autre rendez-vous», a répété mardi M. Woerth.

Il a expliqué que ses rencontres début 2007 avec M. de Maistre, membre du premier cercle de donateurs du parti UMP (droite), visaient notamment à discuter de donateurs potentiels.

«Nous avons été chercher des dizaines de milliers de chèques» de financement licite, «ce n'était pas pour courir dans je ne sais quel café recevoir je ne sais quel argent», a-t-il avancé.

Les dons provenant des particuliers pour les campagnes présidentielles sont strictement réglementés par la loi en France, et leur montant est limité à 4600 euros (6520 $) par personne.

Selon Claire Thibout, Patrice de Maistre lui aurait dit quelques jours plus tard : «ça sert d'avoir des comptes en Suisse».

«J'ai compris qu'il avait récupéré le reste en Suisse», a poursuivi l'ex-comptable. Selon elle, M. de Maistre ne lui a plus jamais demandé d'argent : «c'est pour cela que je m'en rappelle très bien».

Dans une déclaration préliminaire lue devant le tribunal, Claire Thibout a fait état de sa «longue descente aux enfers» depuis que l'affaire a éclaté.

«Tout a été fait pour essayer de me discréditer (...) Je suis à bout et j'ai peur, non pas d'affronter la vérité, mais que la justice ne reconnaisse pas ma bonne foi», a assuré l'ex-employée de la milliardaire.

Claire Thibout a été mise en examen fin 2014 pour faux témoignage par un juge parisien, à la suite de plaintes de Patrice de Maistre et du photographe François-Marie Banier, principaux prévenus dans ce dossier.